L_Exorciste_2_L_Heretique

Spoilers...

Ce film, que j'aborde ici pour la première fois, a beaucoup souffert. En même temps, comment aurait-il pu en être autrement, vu son titre ? En 1971, William Peter Blatty, un journaliste à la base, publie un roman fantastique qui, malgré une écriture des plus glaciales (difficile de s'attacher aux personnages), sera un retentissant succès. Deux ans plus tard, un autre William, Friedkin, auréolé du succès de French Connection en 1971, s'attelle à son adaptation, le film sort en 1973 et cartonne dans le monde entier, il s'agit évidemment, vous l'aurez deviné, de Shining. Mais non, de L'Exorciste, enfin. Interprété par Max Von Sydow, Ellen Burstyn, Jason Miller, Lee J. Cobb et la toute jeune Linda Blair, le film est remarquable, un classique de l'épouvante qui ressortira en salles en 2001 dans une version remodelée avec des scènes inédites, un nouveau doublage VF (moins réussi que le premier, lequel n'était déjà pas génial) et des effets spéciaux en plus, un lifting intéressant, mais peu utile, la version d'époque était déjà très bien. Le film en profitera pour passer de 'interdit aux moins de 16 ans' à 'interdit aux moins de 12 ans', incompréhensible mais vrai. Le succès de L'Exorciste, mondial et fulgurant, fera que la Warner Bros envisagera rapidement l'idée, pas toujours très judicieuse, d'en faire une suite. Et ce, malgré la réticence de Blatty (auteur du roman, je le rappelle) et de Friedkin (qui se préparera à faire son film suivant, le chef d'oeuvre absolu Sorcerer qui sortira la même année que la suite de son précédent film, 1977). Un scénario est écrit, par William Goodhart, et John Boorman, dont j'ai parlé récemment ici, est proposé pour la réalisation, et accepte cette commande. 

l-exorciste-2-_-l-heretique_478393_35623

Le film sort en 1977 et s'appelle L'Exorciste II : L'Hérétique, ou tout simplement L'Hérétique pour faire plus court. On y trouve Linda Blair qui, quatre ans plus tard (et l'action se passe, aussi, quatre ans plus tard), a accepté de reprendre son rôle de Regan (mais refusera de subir, comme ce fut le cas pour le premier film, les longues heures de maquillage de possession, et c'est donc une doublure qui la remplace dans ce cas), on y trouve aussi Richard Burton, James Earl Jones, Kitty Winn (qui reprend elle aussi le rôle qu'elle avait, un rôle secondaire, dans le premier film), Louise Fletcher, Ned Beatty, Max Von Sydow qui, lui aussi, et en flash-backs, reprend son rôle du premier film, Paul Henreid (dans son dernier film) et Dana Plato. Le film subira les affres d'une production difficile (Boorman n'aimait pas trop le script original et en a réécrit, avec Rospo Pallenberg, des éléments ; la fin du film n'est pas celle qu'il envisageait à la base ; des scènes ont été refaites suite à des problèmes techniques ; le montage a été du genre chiant), et quand on sait aussi qu'à sa sortie, il a été un échec commercial doublé d'un échec critique (il a été très mal reçu, et est toujours, aujourd'hui, considéré comme un très mauvais film), on se dit que, oui, L'Hérétique n'a pas eu de bol. Raison de plus pour (essayer de) le réhabiliter ici. 

l-exorciste-2-_-l-heretique_478384_19348

Comme je l'ai dit, l'action se passe quatre ans après les tragiques et étranges faits relatés dans le premier volet. Le Père Lamont (Richard Burton, dans un rôle refusé par Jon Voight, David Carradine, Christopher Walken et Jack Nicholson, pour diverses raisons), qui doute de sa propre foi, et qui vient de mener un exorcisme tragique sur une jeune femme sud-américaine (elle a brûlé au cours de l'exorcisme, incendie causé par une bougie tombée sur la robe de la jeune femme), est chargé par son cardinal de mener une enquête sur la mort du Père Merrin (Max Von Sydow), mort quatre ans plus tôt au cours de l'exorcisme de la petite Regan McNeil (Linda Blair), qui était possédée par le démon assyrien Pazuzu. Quatre ans plus tard, Regan vit à New York, avec sa nurse Sharon (Kitty Winn), elle est âgée de 16 ans et semble mener une vie normale, hormis des séances chez une psychiatre, Gene Tuskin (Louise Fletcher), qui pense que ses mauvais souvenirs sont profondément enfouis en elle (elle affirme ne pas se souvenir de sa possession d'il y à quatre ans). Lamont se rend à l'institut dirigé par Tuskin, dans l'espoir de poser des questions à Regan, mais Tuskin refuse.

l-exorciste-2-_-l-heretique_478392_8103

Après avoir assisté à une séance (Tuskin l'hypnotise et utilise un procédé révolutionnaire, un synchroniseur, relié à Tuskin et Regan), Lamont se rend, avec Sharon dans la maison de Georgetown (banlieue de Washington) où se déroulèrent les évênements. Puis retourne à l'institut, afin d'être relié à Regan au cours d'une séance de synchroniseur. Il est, en esprit, envoyé dans le passé, et assiste à un exorcisme pratiqué, par le Père Merrin, sur un jeune homme africain, Kokumo (Joey Green). Contre l'avis de ses supérieurs, Lamont part pour l'Afrique afin de retrouver Kokumo. Devenu adulte (et joué par James Earl Jones), il est devenu scientifique et étudie les sauterelles, afin de prévenir contre leurs invasions destructrices. C'est en effet en essaim de sauterelles que Pazuzu est apparu à Merrin lorsqu'il a exorcisé Kokumo. Lamont va se rendre compte qu'aussi bien Kokumo que Regan semblent avoir des pouvoirs psychiques, et que c'est pour cette raison qu'ils furent tous deux possédés par Pazuzu. Apparemment, la jeune femme morte au cours de son exorcisme, au début du film, avait aussi des pouvoirs psychiques...

238471

Vous êtes sûrement en train de vous dire mon Dieu, mais ce film me semble être un vrai bordel incompréhensible et invraisemblable, et dans un sens, vous n'avez pas tout à fait tort. Le scénario de L'Hérétique est original et, aussi, courageux. Au lieu de reprendre la trame du premier volet et de refoutre Pazuzu dans le corps de Regan (ou de quelqu'un d'autre) et rebelote, le film part dans autre chose. C'est une sorte de croisement entre fantastique (un peu SF avec ces histoires de pouvoirs psychiques à la Furie) et épouvante, qui se passe aux USA et un peu en Afrique, dans le présent et le passé. Tout du long de ses 115 minutes, L'Hérétique est un film étrange, qui s'éloigne radicalement du précédent volet, et on peut comprendre le rejet de la presse face à ce film (ainsi que des fans qui estiment que, des trois films de la saga originelle, c'est le moins bon). En 1983, William Peter Blatty, auteur du roman de base, en écrire une suite, Légion, qu'il adaptera lui-même en 1990 : L'Exorciste, La Suite (The Exorcist III), avec George C. Scott reprenant le rôle du flic joué, dans le premier film, par Lee J. Cobb, Kinderman. Un troisième volet (que j'aborderai ici un jour) flippant, pas parfait mais très intéressant, et qui prend un malin plaisir à occulter absolument tout ce qui est montré dans la première suite. Le titre français du troisième volet est, quelque part, un aveu : Blatty n'a pas apprécié le film de Boorman, il n'est crédité dans le générique que parce que certains des personnages (Regan, Sharon, Merrin) sont sortis de son cerveau. 

l-exorciste-2-_-l-heretique_478391_49499

Pour en revenir à L'Hérétique, si ce n'est pas le meilleur de la série originelle (je préfère ne pas parler des deux autres suites, embarrassantes au possible), si le film part un peu dans tous les sens par moments au risque de dérouter, et si Burton (loin d'être un mauvais acteur à la base) n'est pas forcément l'acteur qu'il fallait pour le rôle (disons que Burton a souvent eu la fâcheuse tendance d'en faire un peu trop, ce qui est un peu le cas ici), c'est tout de même un très bon film fantastique, sous-estimé au possible, très original et courageux, plus que la deuxième suite, qui l'occulte totalement. La réalisation de Boorman est excellente, le film a beau avoir été une oeuvre de commande, le réalisateur de Délivrance et du futur (c'est son film suivant) Excalibur est en forme. Boorman avait besoin de se refaire une santé financière, son film précédent, Zardoz, chef d'oeuvre incompris de SF aventureuse et métaphysique, en 1973, avait en effet été un bide commercial et (souvent) critique. Hélas pour lui, L'Hérétique, autre bide commercial et critique, ne lui fera pas beaucoup de bien, d'autant plus que, comme je l'ai dit plus haut, sa gestation a été difficile. Il lui faudra attendre le succès de son épopée arthurienne en 1981, Excalibur, pour revenir en force. Au final, ce film de 1977, cette première suite, pour étrange et bancale qu'elle est, me plaît beaucoup, et je ne cesserai de la défendre bec et ongles ! OK, ce n'est pas immense, mais ce n'est pas pourri non plus, loin de là. C'est, en tout cas, original. Trop, peut-être.