Spoilers...
Grand fan de thrillers (en films et en romans), et pour ce qui est des romans policiers, grand fan de thrillers français, j'apprécie tout particulièrement les romans de Jean-Christophe Grangé (mais aussi de Maxime Chattam et Franck Thilliez). Grangé, journaliste à la base, est l'auteur de plusieurs romans ayant été adaptés, soit au cinéma (Les Rivières Pourpres, L'Empire Des Loups, Le Concile De Pierre, Miserere - La Marque Des Anges ; si on met de côté le premier film, remarquable, les autres adaptations cinéma sont globalement décevantes), soit à la TV (Le Passager en mini-série pour France 2 en 2015, excellent ; Le Vol Des Cigognes en TVfilm en deux parties, de Jan Kounen, pour Canal + en 2013, excellent aussi). Grangé a aussi signé le scénario du Vidocq de Pitof en 2001, du film Switch de Frédéric Schoenddoerffer dix ans plus tard, et des Rivières Pourpres 2 : Les Anges De L'Apocalypse d'Olivier Dahan (pitoyable suite du film de Kassovitz adapté du roman de Grangé) en 2004. Comme on le voit, entre Grangé et le cinéma, c'est une longue histoire. Elle n'est pas achevée, car récemment, le temps de quatre lundis, sur France 2, ot été diffusés les premiers épisodes, tous doubles (une intrigue en deux épisodes, quoi), d'une nouvelle série TV, produite par EuropaCorp Télévision, coproduction franco-allemande baptisée Les Rivières Pourpres. J'ai regardé avec intérêt puis passion l'ensemble des épisodes de cette saison 1 que j'espère être, par la suite, suivie par une saison 2, puis une troisième, etc...
Cette série, interprétée, pour les deux rôles principaux, par Olivier Marchal et Erika Sainte (qui sont tous deux parfaits, Marchal, ancien flic comme on le sait, campe le flic grangéien typique), n'est pas une nouvelle adaptation du roman qui lui doit son nom. C'est une suite dérivée, selon les propres termes du générique des épisodes, qui proposent tous, en deux parties, une intrigue indépendante avec un début et une fin. Mais Marchal y reprend le rôle du commissaire Niémans, interprété par Jean Reno dans les deux films cinéma (celui adapté du roman et celui écrit spécialement par Grangé). A noter, je peux le dire car je ne spoilerai rien de la série TV en disant ça (mais si vous n'avez jamais lu le roman initial, sautez une ligne, jusqu'à voir du rouge dans le paragraphe), que Niémans, dans le roman initial, meurt à la fin. Ce qui n'est évidemment pas le cas du film de Kassovitz, car on retrouve Niémans dans la suite. Pour en revenir à la série, on a donc le retour de Niémans, muté à la tête de l'OCCS (Office Central contre les Crimes de Sang) suite au succès de son enquête à Guernon (le film de Kassovitz). Il fait équipe avec une de ses anciennes élèves de quand il enseignait à l'école de police, Camille Delaunay, lieutenant, une fliquette tenace, qui voue une admiration et fidélité sans borne à Niémans. Lui, de son côté, la considère comme la fille qu'il n'a jamais eue. Un tandem de choc. Pas un buddy movie à la L'Arme Fatale ou 48 Heures où les personnages se toisent, s'analysent avant de finalement devenir potes, non ; ici, dès le début, l'entente est totale.
Chaque double épisode (soit, à chaque fois, 2 x 52 minutes) propose une intrigue indépendante spécialement écrite par Grangé (qui a dit qu'il essaierait de les adapter en romans par la suite, et l'idée me semble très bonne tant ces intrigues feraient d'excellents romans), avec parfois des allusions à certains de ses romans (à noter que Les Rivières Pourpres est le seul de ses romans avec Niémans ; Grangé n'a jamais crée de personnage récurrent, en fait), difficile de ne pas penser à Miserere en regardant les épisodes "Le Jour Des Cendres" et "La Croisade Des Enfants"... Mais ce sont des allusions, des bribes d'éléments réutilisés, pas des adaptations masquées, et ça ne m'a absolument pas dérangé. Quel que soit l'épisode, on retrouve ici la patte Grangé, son habileté à écrire des histoires complexes, des personnages retors, des ambiances glauques, des secrets enfouis... Dans le premier double épisode, "La Dernière Chasse", qui se passe en Allemagne dans le land du Bade-Wurtemberg, on découvre le membre d'une richissime et importante famille locale, sauvagement assassiné, dépiauté comme un trophée de chasse, 'sport' dont la famille en question est friande. L'intrigue va tourner autour des techniques de chasse, des rites de cette famille qui a tout du clan, et le final est ahurissant. Dans "Le Jour Des Cendres", Camille intègre, discrètement, en infiltration, couverte par Niémans, une secte protestante située en Alsace, qui gère un domaine viticole, secte considérée comme paisible (rigoriste, mais apparemment inoffensive), mais on a retrouvé un de ses membres, assassiné. Et la secte ne semble pas si paisible que ça...
Dans "La Croisade Des Enfants", deux cailleras de banlieue (dans le Nord) découvrent une main d'adolescent, tranchée net, dans un terrain vague. Parallèlement, un tueur en série, de femmes, sévit dans la région. Niémans et Camille arrivent officiellement pour s'occuper de l'histoire de la main, mis vont, en fait, s'intéresser aux deux affaires. Tout tourne autour d'un foyer pour jeunes délinquants, foyer à la réputation sulfureuse : trente ans plus tôt, des éducateurs pédophiles y firent leurs abominables besognes... Enfin, dans "Leçons De Ténèbres", on découvre en partie l'univers de la religion, austère, forcément monacal, mais aussi (et difficile de ne pas penser à Miserere, et au Serment Des Limbes) au milieu du satanisme. Des épisodes qui, tous, sans exception, sont remarquables, et très sombres. J'ai rarement vu, à la TV française, pour une série française, et qui plus est sur une chaîne du genre de France 2 et à 21h00, des histoires aussi sombres, violentes, glauques que celles-là, mention spéciale au "Jour Des Cendres" (qui parlent de sacrifices d'enfants) et à "La Croisade Des Enfants" (sur la pédophilie, un sujet, sinon tabou, du moins très glissant et peu souvent utilisé). Les acteurs sont excellents (Marchal et Sainte sont parfaits, et les acteurs secondaires, différents selon les épisodes (citons Jo Prestia, François Levantal, Patrick Catalifo, Patrick Descamps...) sont, dans l'ensemble, super bons. Grangé nous offre, à chaque épisode, des intrigues sombres sur son sujet préféré : les racines du mal. Les fans de ses romans ne pourront pas ne pas aimer, voire adorer, cette série de variations pour la télévision.
Seul petit reproche : dans le premier double épisode, qui se passe en Allemagne, le fait que les personnages allemands (certains joués par des acteurs de cette nationalité ayant été doublés) parlent français sans aucun accent fait un peu idiot : difficile de se dire que l'on a affaire à deux flics français évoluant en Allemagne, avec des flics allemands et interrogeant des suspects allemands qui soient ne parlent pas français, soit le parlent avec un accent, quand il s'expriment, à la TV, dans un français parfait, sans aucun accent ! Je sais, c'est un détail, mais tout de même. Ca me fait la même chose quand je regarde un film de guerre comme Le Jour Le Plus Long où tout le monde parle en français (en VF évidemment), allemands, américains, français, sans distinction (contrairement à d'autres films où la barrière des langues est respectée). Mais comme je l'ai dit, c'est un détail, je chipote. Les Rivières Pourpres est, mis à part ça, une remarquable série TV, j'étais réticent au départ, ne trouvant pas trop l'intérêt de faire une suite dérivée du roman (quitte à ce que Grangé fasse une série TV, autant la rendre indépendante, avec d'autres personnages, et un autre titre, que je me disais), mais dès le premier double épisode, cette réticence a disparu, remplacée par un plaisir total. J'attendais chaque lundi avec impatience, et maintenant que le dernier double épisode a été diffusé, hier, je n'ai qu'une envie : d'en voir d'autres, en espérant qu'il y en ait, un jour, d'autres ! Jean-Christophe, si tu me lis, tu sais quoi faire !