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Spoilers...

Le fan que je suis s'est réjoui, en apprenant, début 2018, que quelques mois (à peine deux !) après Pentagon Papers, Steven Spielberg allait nous offrir un autre film. Je m'attendais, au départ, à ce que ce nouveau film sorte l'année suivante, ou au mieux, vers la fin d'année 2018. Mais Ready Player One, tel est son titre, est bel et bien sorti deux mois (pas jour pour jour, ceci dit) après le précédent, soit en mars 2018. Fin mars précisément. Je me souviens de la première fois que j'ai vu l'affiche : sur un panneau publicitaire, en gare, alors que je me rendais à Paris, au Salon de l'Agriculture. Cette affiche d'un jeune homme escaladant (ou descendant) une sorte d'échelle, dans un décor vaguement futuriste de trailers empilés les uns sur les autres, dans la lueur nocturne, et ce lettrage robotique, cette forme d'oeuf dans le ciel... Si je n'avais à ce moment précis pas encore su que le film serait de la science-fiction, cette affiche me l'aurait crié à plein poumon ! C'est d'ailleurs une adaptation de roman, un roman quasiment homonyme (Player One) de Ernest Cline paru en 2011 (2013 chez nous, et depuis que le film est sorti, il a été réédité sous son titre original qui est aussi celui du film), et dont je n'avais, avant d'apprendre l'existence du projet en cours par Spielberg, jamais entendu parler. Le film est interprété par des acteurs essentiellement jeunes, et peu connus : Tye Sheridan, Olivia Cooke, Lena Waithe, Win Morisaki... Côté adultes, on a Mark Rylance, dont c'est la troisième collaboration (après Le Pont Des Espions et Le Bon Gros Géant) avec Spielberg ; Ben Mendelsohn ; T.J. Miller ; Simon Pegg ; et Hannah John-Kamen. L'acteur principal, Tye Sheridan, est connu pour avoir joué dans The Tree Of Life de Terrence Malick en 2011 (tourné en 2008), qui obtint la Palme d'Or, et a joué dans deux X-Men récents (dont un qui sortira l'année prochaine). 

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La distribution est assez étonnante pour un Spielberg : j'ai envie de dire qu'il n'y à aucune tête d'affiche, aucune star, ce qui peut sembler quelque peu risqué. Le sujet du film aussi est un peu risqué : l'action de Ready Player One se situe essentiellement (à 90%) dans un univerrs virtuel, un jeu vidéo grandeur nature. Si vous n'aimez pas les jeux vidéos ou vous sentez trop vieux pour ces conneries, si la geek culture, très présente ici, ne veut rien dire pour vous, alors vous ne passerez pas un super bon moment devant le film, qui dure 140 minutes et est surgonflé de références aux jeux vidéos et à la culture geek (films, séries, comics, etc). Spielby s'est fait plaisir en multipliant les références à ses propres oeuvres (Jurassic Park, Indiana Jones, E.T. L'Extra-Terrestre), ainsi qu'à ses productions (Retour Vers Le Futur). Mais aussi à King Kong, Beetlejuice, Batman, aux Monty Python, à Shining, au Seigneur Des Anneaux, à Star Wars, Dark Crystal, Planète Interdite, Star Trek, Aliens Le Retour, 2001 : L'Odyssée De L'Espace, Dune, Silent Running, Terminator 2 : Le Jugement Dernier, la série des Chucky, Excalibur (via une litanie), Buckaroo Banzaï, Mad Max, La Fièvre Du Samedi Soir, et là, je ne parle que des films, car les jeux vidéos, via "Adventure", "Minecraft", "Doom" et "Starcraft" sont aussi référencés. Un tel déluge de références devrait, logiquement, sentir mauvais. On devrait avoir affaire à un gloubiboulga invraisemblable et puéril. Il n'en est absolument rien, mais c'est sans doute la double force du film qui veut ça : c'est une adaptation de roman (on respecte donc un scénario bien écrit, capable de tenir sur 400 pages sans adjonction d'images) et c'est Spielberg à la réalisation, par un obscur tâcheron qui aurait été imposé par une maison de production (comme ceux qui ont réalisé les films du genre Le Labyrinthe, Hunger Games ou Divergente, films aussi adaptés de romans, et pas de ma genre de came de roman d'ailleurs, et qui se ressemblent tous, aucune originalité dans la mise en scène). Mais Ready Player One est monstrueux de A à Z, il respire Spielberg par tous ses pores, est visuellement éclatant et son scénario tient la route. 

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L'action se passe en 2045. Le monde est victime de ses excès : crise énergétique, surpopulation, famine, guerres, pauvreté, changements climatiques ayant entraîné des désastres... La population survit dans des bidonvilles géants (des trailers - ou mobile-homes - empilés les uns sur les autres, notamment, comme dans la ville où se déroule l'essentiel de l'action réelle, Colombus, dans l'Ohio). La population se réfugie dans l'Oasis, un gigantesque univers virtuel crée par James Halliday (Mark Rylance) et Ogden Morrow (Simon Pegg) une trentaine d'années plus tôt, à la base comme un jeu vidéo multijoueurs. Halliday est mort depuis une vingtaine d'années, et dans son testament vidéo, ce geek absolu a révélé avoir caché, quelque part dans l'Oasis, un easter egg (oeuf de Pâques). Celui qui, grâce à la résolution d'épreuves et d'énigmes faisant remporter des clés, trouvera cet easter egg deviendra le nouveau possesseur de l'Oasis, l'héritier de Halliday. Au moment où l'action du film démarre, ça fait donc des années que tout le monde ou presque joue à L'Oasis (se forgeant pour celà un avatar virtuel), afin d'espérer devenir celui, ou celle, qui découvrira le trésor de Halliday.

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Non, ce n'est pas une image issue d'un clip de Gorillaz !

Wade Watts (Tye Sheridan), alias Parzival dans l'Oasis, est un jeune homme, orphelin (il vit chez sa tante et le mec de celle-ci, un raté), de Colombus qui, comme tout le monde, tente sa chance dans l'Oasis, accumulant des points. Il collabore avec d'autres joueurs, qu'il ne connait pas personnellement (révéler sa vraie identité est, sinon interdite, du moins fortement déconseillée dans l'Oasis), mais dont les avatars sont Aesh (Lena Waithe), Daito Cho, et une jeune femme (du moins, le soupçonne-t-il) du nom d'Art3mis (Olivia Cooke). Tous jouent en free-lance à l'Oasis, mais beaucoup de personnes, généralement endettées, jouent à l'Oasis pour le compte d'une société, IOI, dirigée par Sorrento (Ben Mendelsohn), un homme cupide, ancien collaborateur de Halliday, et qui désire mettre la main sur l'easter egg pour diriger l'Oasis et en faire ce qu'il veut. Pour Wade/Parzival et ses amis, la lutte sera donc acharnée pour non seulement trouver l'easter egg, mais surtout empêcher les sbires de Sorrento, et Sorrento lui-même car lui aussi joue à l'Oasis, de le trouver avant eux...

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Un autre réalisateur aurait probablement fait de ce film un immonde pensum virtuel, un truc irregardable ou incompréhensible. Avec son scénario co-écrit par l'auteur du roman (autrement dit, même s'il y à sans doute des différences avec le roman - je ne l'ai pas lu - c'est l'auteur lui-même qui les a faites ou validées, donc il n'y à aucune trahison du roman) et sa réalisation fluide, Ready Player One, aux effets spéciaux absolument titanesques, est un chef d'oeuvre de SF intelligente et divertissante. On pense à Avatar (sans lequel ce film n'existerait sans doute pas, vu les effets spéciaux du film de Cameron, qui ont marqué une date dans l'histoire du cinéma), notamment, et on pense aussi, avec nostalgie, à ce film produit par Disney en 1982, révolutionnaire pour l'époque et aujourd'hui totalement dépassé et irregardable (doté de plus d'un scénario moyen) : Tron. A coté du film de Spielberg, celui des studio Disney fait aujourd'hui pâle figure, mais ce sont les innovations technologiques qui valent ça. Visuellement bluffant, doté d'une bande-son remarquable qui alterne un score signé Alan Silvestri à des tubes des années 60, 70 80 tels que "Everybody Wants To Rule The World" de Tears For Fears, "One Way Or Another"  de Blondie, "Just My Imagination" des Temptations ou "Blue Monday" de New Order (c'est assez rare, c'est même quasiment la première fois, que l'on trouve autant de hits pop/rock ou new-wave dans une bande-son d'un film de Spielberg), excellemment bien interprété, le film se regarde comme une gigantesque partie de jeu vidéo grandeur nature, passionnante et jouissive (on rit pas mal devant des références incongrues comme la poupée Chucky en tant qu'arme fatale qui attaque même celui qui la possède, ou la Sainte Grenade de Monty Python, Sacré Graal ! qui apparaît à un moment donné), à un point tel qu'à certains moment, on se prend au jeu, on oublie qu'on a affaire à un film. Comme si le résultat de certains passages du film (notamment une grandiose course automobile - où Parzival concourt avec la DeLorean de Retour Vers Le Futur) allait changer à chaque visionnage de Ready Player One. Un film ludique, vibrant, pas le sommet absolu de Spielberg, mais un très grand cru, à voir à tout prix.