Spoilers... Mieux vaut avoir vu le film !!
Avec cet article, l'ensemble de la filmographie de Christopher Nolan est enfin abordée sur le blog...du moins, jusqu'à ce que ce brillant réalisateur britannique (américain, désormais) nous refasse un film, ce qui n'est pas pour tout de suite, son dernier en date étant sorti en salles en juillet dernier. Mais l'article du jour concerne un de ses films parmi les moins récents, puisqu'il s'agit de son, attendez que je compte, quatrième film de long-métrage. Sorti en 2006, il est, dans la filmographie de Nolan, coincé entre les deux premiers volets (Batman Begins en 2005 ; The Dark Knight en 2008) de la désormais mythique trilogie Batman by Nolan, c'est le premier film que Nolan a produit en plus de le réaliser et d'en signer le scénarion et il est aussi une adaptation d'un roman d'un autre Christopher, Christopher Priest, un auteur de science-fiction et de fantasy, auteur notamment du Monde Inverti et du Glamour. Le film de Nolan s'appelle comme le roman (qui date de 1995), c'est à dire Le Prestige (The Prestige en VO). Le roman et son adaptation abordent une histoire fictive inspirée de certains faits authentiques : une rivalité entre deux prestidigitateurs au XIXème siècle (époque où se passe l'action), Giuseppe Pinetti et Edmond de Grisy.
Les deux magiciens du film (et du roman) sont, eux, fictifs, et sont interprétés par Hugh Jackman et Christian Bale (un des acteurs fétiches de Nolan : il joue Batman dans la trilogie). Les autres acteurs du film sont Michael Caine (l'acteur fétiche nolanien par excellence : il joue Alfred dans la trilogie Batman, il joue aussi dans Interstellar, Inception, et on entend sa voix en voix-off dans Dunkerque), Scarlett Johansson, David Bowie (à l'époque pas encore revenu à la musique, ça sera en 2013 et juste avant sa mort en 2016, mais en 2006, ça faisait dans les 2 ans qu'il ne faisait plus rien et déjà, des rumeurs morbides circulaient un peu sur lui, infondées à l'époque), Rebecca Hall, Andy Serkis et Piper Perabo. A sa sortie, le film a été très bien accueilli par la presse et sera un beau succès au box-office. Cependant, par la suite, les films de Nolan seront si cartonneurs (les deux films suivants de la trilogie Batman, Inception, Interstellar, Dunkerque) qu'on aura un peu tendance à légèrement oublier l'existence de ce film, ou en tout cas, à le minimiser un peu. Ce qui est vraiment dommage et même dégueulasse. Le Prestige est un pur chef d'oeuvre qui, tout du long de ses 2 heures et quelques de projection, vous promettra de grands moments de cinéma. C'est d'ailleurs typiquement (et c'est fièrement indiqué dans le résumé du DVD/BR !) le genre de film à voir plusieurs fois, car une fois le film visionné, on a envie de se le refaire pour voir si on n'aurait pas occulté quelques détails, pour essayer de le comprendre un peu mieux.
Il faut dire que le film n'est pas d'une accessibilité flagrante : narration non-linéaire, fourmillement de détails, intrigue complexe, Le Prestige est un spectacle de magie d'une perfection hautaine, qui mérite vraiment qu'on lui accorde toute notre entière attention. Pas le genre de film à regarder un soir, en bande de potes, tout en buvant des bières et en se parlant pendant le film. Il faut, ce film, le regarder posément, calmement, seul ou en silence, il faut, limite, l'étudier, ce film. Pareille chose peut être dite sur Memento, Inception ou Interstellar, d'ailleurs. Le Prestige est une preuve supplémentaire que Nolan fait des chefs d'oeuvres complexes, des anti-blockbusters (Dunkerque, à sa sortie l'été dernier, a surpris pas mal de monde, qui ne s'attendaient pas à un film de ce genre). Mais au final, un film comme Le Prestige, ou comme Interstellar, fonctionne largement mieux, sur la durée, que, disons, un blockbuster stéréotypé et survitaminé comme la énième production Marvel ou un film de Jason Statham. On prendra plaisir à le revoir car on y découvrira toujours quelque chose. Quand on revoit un film avec plaisir et qu'on a l'impression de retrouver un vieux pote qui aura toujours de nouveaux trucs à nous raconter depuis la dernière fois, ça serait pas ça, au fond, la marque des grands films ?
Mais il est temps de parler de l'histoire proprement dite, et je ne vais pas rentrer dans les détails, mais je tiens quand même à préciser qu'il risque d'y avoir quelques spoilers, comme je l'ai indiqué en haut d'article. Et Le Prestige est clairement le genre de film à voir en le découvrant de A à Z, alors ne vous en prenez qu'à vous-mêmes si vous n'avez pas encore vu le film et voulez quand même continuer de lire l'article. Ne venez pas gueuler ! Après, si vous n'avez pas vu le film mais avez lu le livre, c'est différent, mais si vous n'avez fait ni l'un, ni l'autre, deux choses : stoppez la lecture ici (lisez le dernier paragraphe, en tout cas, mais pas ceux d'avant) et rattrapez ce retard en regardant séance tenante ce film !
Donc, l'histoire. Histoire que je vais raconter d'un strict point de vue linéaire, c'est à dire, pas exactement comme elle est montrée dans le film (qui alterne passé et présent, selon le point de vue de plusieurs personnages, sans que vraiment l'un d'entre eux soit prioritaire sur les autres). Londres, fin du XIXème siècle (aucune année n'est donnée). Alfred Borden (Christian Bale) et Robert Augier (Hugh Jackman) sont deux magiciens, ayant démarré comme assistants pour un magicien plus chevronné qu'eux, avant de voler, tous deux, de leurs propres ailes. Tout le long de leurs carrières respectives, les deux magiciens, tous deux doués comme c'est pas permis, vont aller de rivalité en rivalité, chacun, et c'est bien normal, essayant de battre l'autre sur son propre terrain : aller toujours plus loin, plus fort, avec un tour de magie insurpassable et inédit, quitte à essayer de 'voler' les secrets de l'autre. Mais entre Augier et Borden, il y à bien plus, et bien pire, que de la simple rivalité : alors qu'ils étaient tous deux assistants, au même titre que Julia (Piper Merabo) la femme d'Augier et que Cutter (Michael Caine), un assistant vétéran qu'Augier prendra avec lui par la suite, un regrettable accident entraînera la mort de Julia, noyée dans un container d'eau au cours d'un numéro ayant raté. La faute en incombe à Borden, qui était chargé de faire le noeud des mains de Julia (Augier, lui, faisait les noeuds des chevilles), et il a trop bien fait le noeud...
La mort de Julia entraîne évidemment une haine féroce d'Augier envers Borden, et leur séparation. A chaque fois que l'un d'entre eux fait un numéro, surtout un numéro risqué ou inédit, l'autre surgit du public, généralement grimé, pour le faire capoter et, parfois, mettre la vie de l'autre en péril (sans parler de la réputation). Alors que Borden a trouvé l'amour en la personne de Sarah (Rebecca Hall), qui va lui offrir une fille, Augier, avec l'aide de Cutter et d'Olivia, sa nouvelle assistante (Scarlett Johansson), cherche à tout prix à trouver le truc du nouveau clou du spectacle de Borden, un numéro appelé "l'homme transporté", au cours duquel il passe d'une armoire à l'autre, d'un côté à l'autre de la scène, en une seconde. Les recherches d'Augier vont aller jusqu'au vol du carnet de notes secret de son rival, et vont le mener plus loin que n'importe qui pourrait l'imaginer...
Je m'arrête là pour le résumé qui ne fait allusion ni à ce que l'on voit dès le début du film (comme je l'ai dit, le film est narré de manière non-linéaire, c'est à dire, pas dans l'ordre chronologique des faits, mais malgré cela, on suit le tout assez aisément quand même), ni bien entendu à son final juste ahurissant, sans oublier le truc de la version Augier du numéro de "l'homme transporté". Le scénario est d'une inventivité diabolique (je n'ai pas lu le roman de Priest, je ne sais donc pas s'il y à des différences notables, mais il est dans mon intention de rattraper ce retard prochainement, autrement dit, de lire le roman), et quand on arrive à la fin du film, on n'a qu'une envie, le revoir, tant on est sur le cul. C'est d'une efficacité redoutable. Les acteurs sont absolument géniaux. Je ne suis pas particulièrement fan de Jackman (je ne dis pas que c'est un mauvais acteur, loin de là, mais ce n'est pas un acteur que je révère particulièrement), mais j'aime en revanche énormément Bale et Caine. Tous sont immenses ici. Bowie apparaît peu de fois, mais est excellent dans chacune de ses scènes (à noter que les acteurs principaux du film ne sont pas américains : Jackman est australien, Caine et Bale sont britanniques, Bowie aussi ; Christopher Nolan lui-même est certes américain naturalisé, mais britannique de naissance).
Le Prestige, dont le titre est une allusion à la troisième partie d'un tour de magie (c'est à dire, le retournement de situation ; les deux autres sont la Promesse, et le Tour lui-même), est pour moi un des plus grands films de Nolan, derrière Interstellar et Memento, mais devant tous les autres films (tous remarquables : Insomnia est le moins bon de ses films, mais tout de même excellentissime, comme j'ai eu l'occasion de le clamer ici récemment) de ce réalisateur décidément immense et dont j'ai déjà hâte, quel qu'il soit, de voir son prochain film (va falloir être patient). C'est une oeuvre remarquable et parfaite, brillamment interprétée, écrite et réalisée, un film qui est à la fois une histoire de vengeance qu'une ode à la magie et à la science. Un film qu'il faut regarder de manière attentive, ce n'est pas un vulgaire blockbuster à regarder du coin de l'oeil en picorant du popcorn et en attendant les scènes d'action (il n'y en à pas). Un des plus grands films de ces 10 dernières années, et tant pis si je triche un peu, le film datant en fait d'il y à 11 ans !