Spoilers...
Aaah, les frangins Coen... Qu'ils fassent des films sérieux (The Barber, Miller's Crossing, No Country For Old Men, Inside Llewelyn Davis) ou des comédies (The Big Lebowski, Arizona Junior, O'Brother, Ave César !), ils parviennent toujours, avec leurs quatre mains de cinq doigts chacune, à faire des films inoubliables et bien à part. Parfois (Fargo, notamment, mais aussi Barton Fink), l'alchimie entre l'humour et le sérieux est totale et dodnne lieu à des films juste insurpassables dans leurs genres. En 2008, soit un an après le carton plein (4 Oscars, succès commercial) de No Country For Old Men (incontestablement leur film le plus dur, violent, sombre, adapté d'un roman de Cormac MacCarthy, mais en même temps, un film très coenien dans l'âme), les frangins Ethan et Joel ont probablement eu envie d'aérer leur atmosphère. En résulte donc ce film, sorti en 2008 comme je l'ai dit, et interprété par un panel d'acteurs incroyables, dont certains d'entre eux avaient déjà joué chez les Coen (une des actrices, Frances McDormand, est l'épouse, depuis les années 80, de Joel Coen, elle est donc plus qu'habituée !) : Brad Pitt, Frances McDormand, John Malkovich, Tilda Swinton, George Clooney, Richard Jenkins, J.K. Simmons (le fameux boss irascible de Peter Parker dans les Spiderman de Sam Raimi). Comédie d'espionnage, le film s'appelle Burn After Reading.
Ce film fait partie d'une sorte de trilogie consacrée à des personnages crétins, après O'Brother et Intolérable Cruauté (Clooney joue dans ces deux films). Comme Clooney l'a dit, les personnages qu'il interprète dans ces films ont à chaque fois un truc qui les obsède. Dans O'Brother, le personnage joué par Clooney est obsédé par ses cheveux et la brillantine ; dans Intolérable Cruauté, il est obsédé par les dents. Ici, il est obsédé par le sexe, c'est un vrai érotomane ! C'est un des personnages les plus drôles d'un film qui ne manque pas de personnages complètement jetés et de situations invraisemblables et hilarantes. Si The Big Lebowski et Arizona Junior sont vraiment, terriblement drôles, Burn After Reading est, lui, tellement hilarant qu'il en foutrait une hernie à un spectateur fragile du dos. C'est le film le plus drôle des brüder, et le seul reproche à faire est sa courte durée : 90 minutes. Le titre du film ("brûler après lecture") est à la fois une allusion à l'espionnage et à un livre de mémoires d'un ancien directeur de la CIA (le livre s'appelait Burn Before Reading, et le film ne l'adapte en rien) et est aussi un jeu de mots, en double sens, sur l'intrigue, qui tourne autour d'un CD : en anglais, 'burn' signifie aussi bien 'brûler' que, pour un CD, 'graver'.
Raconter le film sera difficile. L'action se passe à Washington DC. Au début, on assiste à la déchéance d'Osbourne 'Ozzie' Cox (John Malkovich), analyste niveau 3 de la CIA qui, pour des raisons d'alcoolisme, est viré. Bien évidemment, Ozzie prend mal le truc, et n'arrive pas à expliquer la situation à sa femme Kahie (Tilda Swinton). Il est obligé de lui dire qu'il a démissionné (bah oui, après tout, ça sonne mieux que 'viré', non ?). Quelque peu méprisante envers son alcoolo de mari, Kathie le trompe, en secret, avec Harry (George Clooney), un marshall travaillant à la brigade financière, un vrai obsédé sexuel qui passe son temps à tromper sa femme écrivaine (et en fréquents voyages professionnels) avec Kathie, mais aussi avec des femmes rencontrées sur le Net. Parmi elles, Linda (Frances McDormand), une employée d'un club de fitness (Hardbodies) un peu crétine qui rêve de se faire opérer des bras, du visage et des seins, elle ne se sent plus à l'aise dans son corps. Un de ses collègues, Chad (Brad Pitt), encore plus crétin qu'elle (une vraie tête pleine d'eau croupie...), l'encourage à chacune de ses rencontres sur le Net.
Un jour, Manolo, un autre employé de Hardbodies, trouve par terre, dans le vestiaire des femmes, un CD gravé, sur lequel se trouve non pas de la musique, ni une vidéo, mais des documents secrets appartenant apparemment à un employé de la CIA du nom d'Osbourne Cox. Ces documents ont été gravés sur CD par Kathie, afin de constituer un dossier contre son mari, dont elle envisage de divorcer. Mais l'employée du notaire qu'elle a sollicité, et à qui elle a remis le CD, l'a paumé alors qu'elle se rendait à son cours de gym à Hardbodies. Tombé entre les mains de deux abrutis finis (Chad et Linda), qui vont avoir envie, après avoir obtenu les coordonnées de Cox, de le faire chanter, ce CD va causer un vrai bordel dans Washington DC, une plongée dans un délire de plus en plus total...
Si on excepte les films de Tarantino ou de Scorsese, je n'ai pour ainsi dire jamais entendu aussi souvent 'fuck' et ses variantes ('fucker', 'fucking', 'fucked'...) dans un film. Hilarant au possible, totalement givré du début à la fin de ses 90 minutes (qui, vraiment, passent comme un recommandé), Burn After Reading est incontestablement un des films les plus réussis des frères Coen, qui s'en sont donnés à coeur joie dans leur registre favori : l'humour cinglé et noir et les personnages ahurissants de connerie. Pour son baptême du feu coenien, Brad Pitt est absolument génial dans le rôle de ce crétin fini, un rôle vraiment à mille lieues de ses prestations habituelles. Il est positivement hilarant ! Clooney (déjà un bel habitué : O'Brother, Intolérable Cruauté, et il jouera aussi dans Ave César !, leur dernier film en date) est hilarant aussi. Frances McDormand est, comme à son habitude, parfaite dans son rôle de crétine à moitié psychorigide, John Malkovich a du bien s'éclater aussi (la scène où Pitt et McDormand l'appellent, en pleine nuit, pour le faire chanter au sujet de ses documents secrets est excellente, et celle de la voiture, avec Pitt, aussi). Dans le rôle de la femme méprisante et coincée de Malkovich, Tilda Swinton est également parfaite.
Le seul souci de Burn After Reading est sa courte durée, ça va trop vite et je n'aurais personnellement pas craché sur une demi-heure de rab (ou disons, 20 minutes). Mais en dépit de sa courte durée, cette comédie d'espionnage loufoque, sorte de croisement entre John Le Carré et Tex Avery, est un régal pur, un moment de bonheur comme on en voit que trop rarement, au final, dans les comédies américaines. Les films suivants des Coen seront très bons, mais ce film est leur dernier à être réellement jouissif du début à la fin, un vrai moment de délire porté par des acteurs au sommet et s'étant bien amusés, ce qui se ressent à tout instant ici. A voir absolument !