Spoilers !
Ayant régné sur l'Ouganda de 1971 à 1979, Idi Amin Dada, mort en 2003, était un dictateur. En fait, il était tellement dictateur que les seules comparaisons possibles, dans l'histoire des dictatures sanguinaires, sont Aldolf Hitler et Pol Pot. Dans le genre malfaiteurs de l'humanité, ces trois mecs se posaient là. Amin Dada, qui s'était auroproclamé maréchal, puis président à vie (en 1975), qui s'attribuait plein de décorations et de titres fumeux (dont celui de roi d'Ecosse, ce qui mène au film que je vais aborder aujourd'hui et dont je vais parler dans peu de lignes), était sanguinaire, terrifiant, plusieurs légendes circulaient sur lui comme notamment celle qui disait qu'il dévorait ses ennemis ou buvait leur sang. Il était, aussi, notoirement fan de voitures anciennes, de boxe et des productions Walt Disney... Il était la caricature vivante, personnifiée, du tyran africain, un homme craint et haï par les Ougandais (et Africains en général) et considéré, dans le monde occidental, comme un bouffon meurtrier aux élucubrations incessantes et à la folie galopante, mort en exil (en Arabie Saoudite) après qu'il ait été renversé en 1979. Apparemment, en Angleterre, des projets d'assassinats politiques d'Amin Dada furent un temps envisagés, mais à chaque fois annulés, malgré le fait que son régime fut considéré comme la pire dictature qui soit, pour son époque.
En 1998, Giles Foden écrit le roman Le Dernier Roi D'Ecosse, qui aborde la dictature de ce dingue en l'entremêlant avec une histoire fictive (le personnage principal n'a jamais existé en tant que tel). Le roman marchera fort, ce qui incitera à une adaptation cinéma. Ce n'est pas Hollywood, mais la perfide Albion qui s'en chargera (après tout, l'auteur du roman est britannique). Le film, réalisé par Kevin Macdonald, est sorti en 2006 et il obtiendra une grande reconnaissance à sa sortie, et surtout son acteur principal, le toujours épatant (mais souvent sous-employé, je trouve) Forest Whitaker, dans un de ses meilleurs rôles avec Bird d'Eastwood et Le Majordome de Lee Daniels. Pour son interprétation d'Idi Amin Dada dans ce Dernier Roi D'Ecosse, l'acteur a obtenu l'Oscar et le Golden Globe du meilleur acteur, mais aussi le BAFTA dans la même catégorie, entre autres récompenses. Aux BAFTA, le film a été récompensé, ainsi que son scénario. Tout ceci, plus son sujet jamais abordé jusque là (la dictature d'Amin Dada), donnent ainsi fortement l'envie de voir le film, lequel film est aussi interprété par James McAvoy, Gillian Anderson, Kerry Washington, David Oyelowo et Simon McBurney (et on notera que l'auteur du roman, Giles Foden, apparaît rapidement dans le rôle d'un journaliste anglais, ce qui fut sa profession avant de devenir romancier).
L'histoire entremêle faits réels et fiction. Nicholas Garrigan (joué par James McAvoy, c'est un personnage fictif) est un jeune médecin anglais, tout juste diplômé de l'université d'Edimbourg (Ecosse). Avide d'aventures exotiques, il arrive en Ouganda, en 1970. Alors qu'il travaille dans un hôpital de brousse, dirigé par le docteur David Merritt (Adam Kotz) et sa femme Sarah (Gillian Anderson). Les deux (Nicholas et Sarah) flirtent un peu, sans passer aux actes, Sarah ne voulant pas tromper son mari. Le pays, en proie à des troubles, voit arriver un coup d'état organisé par le général Idi Amin Dada, qui renverse le président Milton Obote et prend le pouvoir, en 1971. Nicholas est persuadé que l'arrivée d'Amin Dada est une bonne chose, qu'il va faire de bonnes choses dans ce pays, mais Sarah, elle, n'y croit pas vraiment, connaissant bien l'histoire politique récente des pays africains. Appelé sur un accident mineur impliquant Amin Dada, Nicholas lui soigne la main, blessée, et se voit obligé d'abattre par arme à feu une vache mortellement blessée dans l'accident et que tout le monde s'évertuait à ignorer. Impressionné par cet acte, Amin Dada propose à Nicholas de devenir son médecin particulier et reconnaît en lui la fierté, l'audace et le courage des Ecossais, lui qui admire profondément ce peuple ayant résisté aux envahisseurs britanniques par la force des armes. Au fil du temps, Nicholas va devenir un confident, un homme de confiance pour le dictateur, qui va de plus en plus plonger le pays (et lui-même) dans une terrible folie homicide...
Les acteurs sont remarquables, et bien évidemment, dans le rôle de ce dictateur fou furieux, aussi grotesque que flippant, imprévisible et sanguinaire, Forest Whitaker est absolument immense. Hormis Michael Clarke Duncan, je ne vois pas qui d'autre aurait pu jouer, et aussi bien, ce rôle imposant et difficile. Jouer un dictateur, surtout de la trempe d'Amin Dada, n'est jamais facile, j'imagine que si vous demandez à l'acteur suisse Bruno Ganz ce qu'il a pensé de jouer Hitler dans La Chute en 2004, il vous répondrait que c'était un rôle difficile, délicat à appréhender (pour le moins !), difficile de bien jouer un tel personnage sans aller trop loin, ou au contraire sans donner l'impression de vouloir quelque peu polir le personnage. Trouver le juste milieu. Ganz y est parvenu dans La Chute, et Whitaker y parvient dans Le Dernier Roi D'Ecosse. Puissant de bout en bout dans le film, il y est absolument tétanisant. A côté, les autres acteurs semblent en retrait, pourtant, James McAvoy est juste excellent dans le rôle de ce jeune médecin se rendant progressivement compte de la folie de celui qu'il soigne et dont il recueille les confidences, celui qui voit pas mal de choses, mais ne peut rien dire ou faire (et même pas partir : Amin Dada remplace son passeport britannique par un passeport ougandais, l'empêchant ainsi de quitter le pays).
Le film est bien réalisé, bien écrit (apparemment, il y à des différences notables avec le roman initial, mais je ne l'ai pas lu, et donc je me fie à ce que j'ai lu sur le Net pour ça), et je ne peux que le conseiller. C'est parfois dur, assez édifiant, on en sort avec l'idée que ce dictateur était vraiment un dingue à mi chemin entre la caricature grotesque et le malade mental psychotique et paranoïaque, et en se disant qu'il a réellement régné sur un pays (et que la réalité est toujours plus forte et violente que la fiction : bien que réaliste, ce film ne raconte pas tout), laissant derrière lui quelque chose comme 300 000 victimes (et peut-être plus, de l'ordre des 500 000, probablement). Le film ne tente pas de minimiser les faits, ni de faire de ce mec un héros. Globalement neutre, à la fois biopic et oeuvre de fiction (bien que fictionnel, Nicholas Garrigan s'inspirerait d'un médecin anglais ayant cotoyé Amin Dada), Le Dernier Roi D'Ecosse est un film captivant, sublime et méritant absolument toutes les louanges ayant été faites à son sujet. Et encore une fois, Forest Whitaker y est juste exceptionnel !