Spoilers...enfin, non, pas beaucoup, en fait...
Récemment, j'ai (enfin) abordé le génial (mais controversé) film d'Oliver Stone, The Doors, biopic sur ce fameux groupe de rock américain des années 60. Je ne vais pas m'arrêter là, en si bon chemin : un documentaire existe, sur le groupe, sorti en 2008, alors pourquoi ne pas l'aborder, après tout ? D'autant plus qu'à sa sortie, ce documentaire, dont le seul reproche à faire est sa courte durée (1h22, générique de fin compris), fut bien remarqué, ayant été en sélection officielle dans plusieurs festivals (Sundance, Deauville, Berlin, San Sebastian) comme indiqué sur l'affiche (au passage, bien que datant de 2008, le film ne sortira en France qu'en juin 2010 ; et en janvier 2009 aux USA). Ce documentaire, narré par Johnny Depp, est réalisé par Tom DiCillo, le réalisateur de Ca Tourne A Manhattan et de Box Of Moonlight, et il s'appelle When You're Strange. Les fans des Doors auront évidemment noté que le titre du documentaire est issu des paroles d'une des plus belles chansons du groupe (que l'on entend évidemment, à un moment donné, dans le film), "People Are Strange", de 1967.
Utilisant pour la première fois (on en voit des extraits au tout début et au fil du métrage) des extraits du film inachevé HWY : An American Pastoral que Jim Morrison tenta de réaliser en 1969 (un film expérimental d'une cinquantaine de minutes où Morrison joue un auto-stoppeur, tourné dans le désert de Mojave, vers Los Angeles), le film a été décrit par Ray Manzarek (claviériste des Doors, mort en 2013) comme l'anti-film d'Oliver Stone, car rappelons que les Doors survivants n'avaient franchement pas apprécié du tout le biopic de Stone, qui insistait trop sur le côté sombre de Jim (alias Jimbo, comme Manzarek surnommait Jim quand celui-ci était bourré ou défoncé). La vraie histoire du groupe, tel est le credo de ce documentaire qui, sans trop lourdement insister sur le côté Jimbo de Morrison, en parle quand même. On assiste notamment à des rushes des sessions d'enregistrement de l'album The Soft Parade (sorti en 1969 après 11 mois de gestation douloureuse), au cours desquelles Morrison est clairement bourré comme un coing. Photo à l'appui, ci-dessous.
Le film possède quelques petites erreurs chronologiques pas vraiment importantes (à un moment donné, il est dit que l'album The Soft Parade a bien marché en 1968, alors qu'il est sorti en 1969), et il n'est absolument pas fait mention de Other Voices (1971) et Full Circle (1972), les deux albums que les Doors ont fait après la mort de Jim, essayant tant bien que mal de survivre en tant que groupe et de prouver qu'ils n'étaient pas morts en même temps que leur charismatique frontman (l'échec commercial des albums les poussera cependant à arrêter les frais, mais il ne faut cependant pas croire que ces deux albums soient ratés, ce n'est pas le cas). On a en revanche des images de Morrison et Pamela Courson (sa petite amie) à Paris, quelques temps avant sa mort. On a aussi des images, fixes, de Morrison adolescent. Des images inédites, n & b ou couleurs, des rushes, extraits de concerts.
Le fameux concert de Miami, en 1969, où un Morrison complètement bourré et chaotique incita la foule à se révolter (résultat : un sacré bordel dans la salle) et aurait montré sa bite (plein de photos ont été faites de lui sur scène, aucune n'apporte la moindre preuve de ce geste), entraînant un procès pour attentat à la pudeur, n''est pas occulté par le documentaire, au contraire. Ce qui est édifiant, durant ce passage, c'est qu'on constate qu'aucun des flics qui étaient au bord de la scène (pour empêcher les débordements, etc) ne firent rien quand Morrison dit Et maintenant, je vais vous montrer ma bite, en mettant la main sur son pantalon.
Riche de plein d'extraits de haute volée, mais sans aucune interview récente (des bribes d'interviews d'époque, des membres du groupe, et seulement d'eux), When You're Strange est un petit régal hélas trop court qui donne envie de (ré)écouter les albums du groupe. La narration de Depp est excellente, le rythme est parfait, ainsi que le montage, faisant de ce documentaire de Tom DiCillo (que j'imagine être un vrai fan, comme Depp doit l'être, du groupe) un jalon du genre. Une séquence du début du film est remarquable : un extrait de HWY, avec Morrison au volant, tournant le bouton de l'autoradio, et sur lequel a été placé une déclaration d'un speaker radio annoncant la mort de Morrison (inutile de préciser que dans HWY, cette annonce, même fictive, n'existe pas). Impossible, à ce moment-là, de ne pas penser à cette fameuse légende urbaine comme quoi Morrison ne serait pas mort à Paris en 1971, qu'il aurait orchestré tout ça pour pouvoir vivre tranquille (si ça avait été le cas, nul doute qu'il aurait sans doute appris sa mort en conduisant, seul, sur une autoroute déserte, comme ce montage entre le film qu'il a tourné et la vraie annonce veut, quelque part, le laisser imaginer). A voir absolument !