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Spoilers !

Si vous connaissez un peu l'histoire de la Grande-Bretagne, vous savez peut-être ce qu'est le 5 novembre pour ce pays : la Guy Fawkes Night, fête qui commémore, depuis des siècles (l'évênement initial étant survenu en 1605), une conspiration ayant échoué, destinée à renverser le gouvernement. Guy Fawkes est le nom du conspirateur, un catholique ayant, avec des complices, tenté de faire sauter le Parlement. Ce complot est appelé Conspiration des Poudres, et chaque année, l'Angleterre célèbre ce complot raté (en se félicitant qu'il ait raté) par un gigantesque feu d'artifice. Des effigies de Guy Fawkes sont faites et brûlées, et des enfants arborant le visage de Fawkes se baladent en ville, réclamant de l'argent pour acheter des pétards. Un peu Halloween dans un sens ! Des comptines et chansons existent sur ce sujet (dans sa chanson "Remember", John Lennon achève le morceau par quelques bribes de l'une d'entre elles), et en 1982, le scénariste de BD Alan Moore et le dessinateur David Lloyd ont conçu un comic-book (paru de 1982 à 1990, existant évidemment en un seul tome), un vrai roman graphique, du nom de V Pour Vendetta. Ce comic-book a été adapté au cinéma en 2006, sur un scénario signé des frangins (désormais soeurs !) Wachowski, et réalisé par James McTeigue. Comme il le fera aussi pour l'adaptation cinéma, en 2009, de son Watchmen mythique, Alan Moore se désolidarisera totalement de l'adaptation par rapport à son oeuvre littéraire : il cèdera l'ensemble des droits au dessinateur David Lloyd, estimant par là que selon lui, V Pour Vendetta et Watchmen sont des comics, pas des films, et qu'il n'a des liens d'auteur qu'avec la BD, pas son adaptation. C'est ainsi que dans le générique, le nom d'Alan Moore n'apparait pas (idem pour Watchmen de Zack Snyder), et à voir l'affiche, on a l'impression que les Wachowski (la saga Matrix) sont les auteurs de l'histoire.

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Le film V Pour Vendetta est donc sorti en 2006. Son réalisateur n'aura pas vraiment fait parler de lui (c'est son premier long-métrage, il a par la suite réalisé des épisodes de la série TV Sense8 produite par les désormais soeurs Wachowski), mais le casting est, en revanche, efficace : Hugo Weaving, Natalie Portman, Stephen Rea, Stephen Fry, John Hurt pour les acteurs les plus connus et les rôles les plus importants. Film de science-fiction dystopique (comme Watchmen) et d'anticipation se passant dans une Angleterre futuriste (l'action démarre en 2038) et  terrifiante, V Pour Vendetta est une oeuvre culte depuis la parution du comic-book, et si vous avez déjà croisé, sur des murs, le signe V entouré d'un cercle et tagué en rouge, ainsi qu'un visage souriant et allongé dans des manifestations, alors sachez (à moins que vous ne le saviez déjà) qu'il s'agit de deux des plus forts repères visuels de l'oeuvre d'Alan Moore. Les fameux hackers du groupe Anonymous ont tout simplement réutilisé le masque à l'effigie de Guy Fawkes et le symbole de V, le vengeur masqué héros (ou anti-héros) de cette histoire.

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Angleterre (et plus précisément, Londres), 2038. Suite à une guerre et à des attaques biologiques ayant causé des ravages, le pays est, depuis quelques années, dirigé par un parti néo-fasciste ayant instauré une vraie dictature à la Orwell. En tant que Big Brother de ce pays, le Haut-Chancelier Adam Sutler  (John Hurt), leader du parti et du pays. Un couvre-feu est instauré sur tout le territoire. Des milices (surnommées le "Doigt") arpentent les rues et arrêtent les opposants et ceux qui s'aventurent pendant le couvre-feu. Parmi les gens traqués, arrêtés et parqués dans des camps figurent non seulement les opposants au régime mais aussi les homosexuels et minorités ethniques. Il n'y à plus de libertés individuelles, il n'y à plus qu'une seule chaîne de TV, nationale, la BTN, dirigée par la dictature, et servant à la propagande. Le soir du 4 novembre, Evey Hammond (Natalie Portman), une jeune femme, viole le couvre-feu afin de se rendre chez Gordon Deitrich (Stephen Fry), animateur de la BTN (et opposant discret au parti : il est gay), la chaîne de TV, où elle travaille elle aussi. Elle est prise à partie par des membres du "Doigt", qui s'apprêtent à la violer en représailles, mais un homme mystérieux, masqué et vêtu de noir, la sauve de leurs griffes et l'emmène sur un toit d'immeuble. Là, Evey assiste à un spectacle ahurissant : l'Old Bailey (une cour de justice londonienne) explose sous ses yeux, et le tout est synchronisé avec un air de musique classique de Tchaïkovski, diffusé sur les ondes radio du parti. Aussi bien l'attentat que la diffusion musicale sont signé(e)s de cet homme mystérieux, qui emmène Evey dans son antre et lui dit s'appeler V (Hugo Weaving), et on n'en saura jamais plus sur lui.

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V est un vengeur, qui fut autrefois une des victimes du parti (qui organisa les attaques biologiques contre son propre pays, en les faisant passer pour une attaque externe, afin d'avoir la situation bien en main et de prendre le pouvoir dans le chaos qui s'ensuivra), fut interné dans un des camps, et fut l'objet d'expériences. Il va faire prendre conscience à Evey de la beauté de la liberté, et de la nécessité de prendre les armes afin de renverser le pouvoir. Pendant que le parti et son "Doigt" va tout faire pour traquer celui qui va accumuler les attentats et crimes contre eux, V va progressivement retourner la situation, mettant le parti dans une situation délicate, ses personnalités les plus influentes (un présentateur TV-phare, leader de la propagande ; des anciens dirigeants des camps) se faisant éliminer. Près de chaque victime de V, une rose rouge de la variété (fictive) Scarlet Carson, est déposée. Un jour, après une émission satirique de Deitrich, Evey se fait arrêter et interner. Là, on lui rase le crâne, la harcèle de questions sur V, on la torture moralement et physiquement, afin qu'elle révèle à ses tortionnaires la cachette de V...

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Je ne raconte pas toute l'histoire, car non seulement ça fourmille de détails et de personnages, mais en plus ça ne servirait à rien sinon à rendre le résumé complètement chaotique et incompréhensible. Le film est dans l'ensemble très fidèle au roman graphique de Moore et Lloyd, mais on trouve, ceci dit, des différences notables : des allusions aux drogues et à l'anarchie ont été retirées par rapport à l'oeuvre de Moore, et le message politique a été légèrement révisé, mais dans l'ensemble, ces différences, comme celles qui furent faites pour Watchmen, ne choquent pas. Si Alan Moore a refusé que son nom apparaisse au générique des adaptations de ses oeuvres à partir de ce film, c'est parce qu'il avait été très déçu des films From Hell et La Ligue Des Gentlemen Extraordinaires et ne voulait pas que son nom soit encore une fois associé à une adaptation ratée. Mais pour V Pour Vendetta, heureusement, c'est réussi. Et ça le sera aussi pour Watchmen. Il n'empêche, je ne pense pas qu'il soit très recommandé de lui parler de ces deux films si jamais vous le rencontrez en séance de dédicaces (le bonhomme, avec son look de biker, étant plutôt du genre ermite, ça ne risque pas d'arriver souvent), car il s'est vraiment dissocié de ces films.

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C'est un peu étrange de ne jamais (mais alors vraiment jamais) voir le visage d'Hugo Weaving, qui joue V. Oui, c'est bien lui derrière le masque, je vous rassure, ce n'est pas seulement sa voix. Mais c'est bien la première fois qu'un acteur principal ne montre jamais, jamais, jamais son visage durant tout un film ! Enfin non, ce n'est pas la première fois, j'exagère, mais c'est quand même plutôt rare. Même dans Watchmen, l'acteur jouant Rorschach (un des justiciers, constamment caché sous une cagoule), Jackie Earle Haley, montre son visage à un moment donné. Ici, vous n'aurez que le souriant et glacé visage figé de Guy Fawkes, le masque de V. Mais rarement un personnage aura été joué avec autant de maestria que V par Weaving. Natalie Portman est très bonne dans le rôle (le personnage est plus jeune dans le comic-book que dans le film, mais ça ne change pas grand chose). L'ambiance générale, glauque, terrifiante et oppressante, est aussi remarquable et glaçante que dans le roman graphique, on retrouve bien l'univers dystopique imaginé par Moore, et qui fut voulu comme une sorte de réponse cinglante au gouvernement de Margaret Thatcher. V Pour Vendetta est une réussite dans son genre, et je pense que je le préfère au comic-book, ayant toujours eu un peu de problèmes avec les dessins de David Lloyd !