Spoilers...
En 1994, la publication en français de l'essai de Stephen King Anatomie De L'Horreur (Stephen King's Danse Macabre en titre original) est enfin sur les étagères des librairies de France, de Navarre et de la Creuse orientale. Quand on sait que l'essai en question date de 1981, on se dit que vieux motard que jamais (euh...), pas vrai ? Dans cet essai gigantesque que je conseille à tous les fans de l'auteur (et à tous les fans de fantastique/horreur), King parle de l'horreur selon plusieurs formes : le cinéma (y compris les séries Z), la littérature (un chapitre immense et long parle de 10 romans grandioses parus entre les années 50 et 1981), la radio, les mythes, il parle aussi un peu de lui...et un chapitre parle de la télévision. King parle de séries TV qui l'ont marqué, ou qui ont marqué la télévision : Au-Delà Du Réel, Thriller (présenté par Boris Karloff dans les années 60), La Quatrième Dimension...Il parle aussi, rapidement, pour la défendre un peu tout en reconnaissant que ce n'est pas génial, d'une série TV n'ayant eu qu'une seule saison, en 1974 : Dossiers Brûlants. Cette série, disponible en deux coffrets de 4 DVD, n'a donc durée qu'une seule saison, et 20 épisodes plus deux pilotes long-format (qui, pour des raisons de différences de droits, ne sont pas sur les DVD, et ne sont même pas commercialisés en-dehors des USA).
Chaque coffret DVD contient 10 épisodes. Je peux pousser un coup de gueule ? Merci. Pourquoi avoir scindé la seule et unique saison en deux boitiers de 4 DVD quand on pouvait réunir les quelques 16 heures de la série (20 épisodes de 50 minutes chacun) en 5 ou 6 disques et un seul coffret ? Après tout, la saison 4 de La Quatrième Dimension est constituée de 18 épisodes de 50 minutes et malgré cela, elle est disponible en un coffret 5 DVD (avec le dernier des 5 disques qui ne contient que deux épisodes). Expliquez-moi comment un rajout de 100 minutes (soit deux épisodes) entraîne deux coffrets de 4 disques, avec à chaque fois deux disques de 3 épisodes et deux disques de 2 épisodes ? Et ne me parlez pas du fait qu'il s'agisse probablement d'un éditeur DVD différent, car ce n'est pas le cas : Dossiers Brûlants et La Quatrième Dimension sont tous deux édités en DVD par Universal... On a donc pour moi un bel exemple d'attrape-couillons, concernant ces deux coffrets commercialisés alors qu'un seul pourrait très bien avoir suffi. Fin du coup de gueule.
La série TV, sinon, dont le titre original est Kolchak : The Night Stalker, est une série culte qui, à sa diffusion aux USA (il faudra attendre 1989 pour qu'elle soit diffusée en France, rapidement, sur Canal + ; elle a probablement été rediffusée sur le câble depuis lors), n'obtiendra pas énormément de succès, ce qui explique qu'il n'y à eu qu'une seule saison, évidemment. Produite par Cy Chermak, elle avait été précédée de deux TVfilms à grand succès : The Night Stalker et The Night Strangler, le premier étant adapté d'un roman que Stephen King qualifie de mauvais. Face au succès de ces deux TVfilms, on a donc décliné le tout en une série qui est aujourd'hui considérée comme l'ancêtre de X-Files : Aux Frontières Du Réel, ni plus, ni moins. Le personnage principal, Karl Kolchak, joué par Darren McGavin (qui le jouait aussi dans les deux TVfilms, dont je vais arrêter de parler car je ne les ai pas vus, et ne sais d'eux que ce que King en a dit dans son essai précédemment cité), est un journaliste curieux et cynique, au sens de l'humour décapant, un vieux de la vieille, un journaliste comme on se l'imagine, avide du moindre scoop, qui fait bien chier les flics et son boss consensuel. A chaque épisode, il va tomber sur des affaires flirtant totalement avec le surnaturel : fantômes, zombies, monstres divers, rien n'échappera aux scénaristes de la série !
Comme King le dit dans la petite partie du chapitre TV qui est consacrée à Dossiers Brûlants, la série a été victime d'elle-même : au fur et à mesure que les épisodes étaient diffusés, il était de plus en plus difficile de croire à ce que l'on voyait. A chaque fois, un monstre différent : vampire, loup-garou, motard sans tête ("A Toute Vitesse", épisode bien glauque et assez gore), sorcières, zombies, à croire que les USA entiers (les épisodes se passaient dans diverses villes, comme Chicago, pas que dans une seule : les deux pilotes se passaient respectivement à Las Vegas et Seattle) sont peuplés de monstres et que seul Kolchak est à même de les repérer et de les affronter, tout en gardant son cynisme et son humour légendaires. Stephen King n'hésite pas à écrire que cette série est nulle, mais il l'aime bien, en partie à cause de sa nullité, on peut la qualifier de nanarde, même si certains épisodes (essentiellement les premiers : "Le Viol", "Le Zombie", "Vampires Sur Hollywood"...) sont vraiment pas mal. Mais au bout de 20 épisodes accueillis, à l'époque, avec de moins en moins d'enthousiasme, la série a cessé, n'a jamais été relancée, personne n'ayant jamais fait le coup des fans de Star Trek ayant, alors que la série avait été stoppée, réclamé à hauts cris qu'elle ne revienne sur les écrans (ce qui fut fait et c'est probablement un cas unique de série relancée par l'amour de ses fans).
Que vaut Dossiers Brûlants, alors ? Quelques petits moments de frissons légers mais bien agréables, des scénarii assez bien troussés parfois (mais pas toujours), un acteur principal charismatique et remarquable dans le rôle de de journaleux aux prises avec l'innommable (notons que Richard Kiel, le légendaire Requin dans deux James Bond, joua un monstre dans un des épisodes), un humour très présent, des effets spéciaux ayant pris un coup dans l'aile gauche et deux dans le pare-chocs mais tout de même sympathiques (idem pour la qualité audio et vidéo : d'époque, mais très correcte), et une ambiance surnaturelle pré-X-Files qui tient bien la route, même si, dans l'ensemble, ce n'est évidemment pas du grand art. Mais c'est regardable, et une belle petite curiosité issue du mitan des années 70. Pour fans de séries TV fantastiques, et de fantastique en général, donc, mais n'en attendez pas non plus des tonnes, ce n'est pas immense, juste correct. King est un peu méchant quand il dit que c'est nul, c'est juste médiocre, mais attachant.