Spoilers...
A sa sortie, ce film a provoqué moult durcissements de slips (ou de caleçons, je ne suis pas sectaire) chez les fans de science-fiction et de cinéma à grand spectacle. Non pas à cause de son scénario mémorable, mais pour ses effets spéciaux, son rendu visuel. Sorti en 2013, réalisé par Alfonso Cuaron (réalisateur également du troisième Harry Potter au cinéma), Gravity est depuis devenu un film culte qui a même réussi (même si ce fut probablement pour peu de temps !) à relancer la carrière d'une ex-gloire du cinéma hollywoodien de la seconde moitié des années 90 : Sandra Bullock. L'autre star du film, c'est George Clooney, qui est plus là en tant que figurant de luxe (il est deuxième sur l'affiche) qu'autre chose, et la troisième star du film, présente tout du long, à chaque plan, et qui n'a pourtant pas été payée un rond, c'est l'espace. Environ un an après Gravity, un fil allait sortir, qui allait littéralement renvoyer ce film dans son placard à balais poussiéreux, car non seulement lui aussi aurait droit à des effets spéciaux monumentaux, mais son scénario, en plus, serait purement et simplement gigantesque : Interstellar, de Christopher Nolan, dont j'ai parlé ici récemment, et si vous ne l'avez toujours pas vu, il passe bientôt à la TV, le DVD et le Blu-ray existent et ne coûtent pas cher, bref, vous n'avez pas d'excuses.
Mais retour à Gravity. Il n'y à que deux acteurs dans le film, Bullock et Clooney, et la durée globale du film n'excède pas les 90 minutes de métrage. Oui, vous avez bien lu : un film pareil, situé dans l'espace, une telle production hollywoodienne à grands renforts d'effets spéciaux (pour les visuels spatiaux juste immenses, à croire que le film a réellement été tourné là-haut), et avec un budget probablement renversant, ne dure qu'une heure et demi. Pour info, et c'est la dernière fois que j'en parlerai ici (quitte à me faire violence pour ne pas récidiver ultérieurement dans l'article), Interstellar dure presque le double (2h50) et on ne voit jamais le temps passer ! Alors que Gravity a beau durer aussi longtemps qu'une comédie des années 70 avec De Funès, il n'empêche que l'on trouve parfois le temps un peu long. Paradoxe. Mais il faut bien ici dire quelque chose au sujet de Gravity, avant de parler du scénario (que j'aurai résumé en la moitié d'un paragraphe, probablement), c'est que le film est probablement très surestimé, je l'ai revu récemment et le film m'a moins plu que lors de mon premier visionnage (pas en salles ; je regrette de ne pas l'avoir vu en salles rapport à son rendu visuel sublimissime), qui m'avait laissé un sentiment mitigé : bien par moments, sublime dans d'autres, lourdingue dans d'autres, globalement inégal, mais à voir, et même à revoir une seconde fois.
L'histoire ? Ryan Stone (Sandra Bullock), experte en ingénierie médicale, et Matt Kowalski (George Clooney), astronaute vétéran de la NASA (pour Ryan, en revanche, c'est sa première expédition), sont dans l'espace, en sortie autour de leur navette, afin d'effectuer des réparations de routine. Pendant cette sortie, une pluie de débris provenant d'un satellite ayant explosé filent droit vers eux, provoquant une catastrophe majeure : la navette est détruite, et Ryan et Matt errent dans l'espace, attachés l'un à l'autre. Leur but est de gagner la Station Spatiale Internationale (ou ISS), relativement proche, afin de regagner la Terre via une des navettes Soyouz qui y sont amarrées, mais pendant le trajet, Matt se détache, se rendant compte qu'à deux, ils n'y parviendront jamais. Seule, Ryan parvient à gagner l'ISS, s'y repose quelque peu, mais le Soyouz est relativement impraticable à cause d'un parachute sorti. Elle va cependant parvenir à le faire partir, tant bien que mal, pour essayer, avec lui, de gagner la station spatiale chinoise, non loin, et de regagner la Terre avec une de leurs fusées...
Bon, pas la moitié d'un paragraphe mais un paragraphe complet, pardon. Mais quand même, un seul paragraphe pour raconter (sans entrer dans le détail, je n'ai pas parlé de l'incendie dans l'ISS, ah si, ça y est, je viens d'en parler) ce qui se passe dans environ 80% du film, ça vous dit bien à quel point le scénario de Gravity est mince comme du papier à cigarette ayant pris l'eau. Pour comparaison, même si j'avais promis que je m'en tiendrais là sur le coup, Interstellar, au bout d'une heure de film, commence à démarrer (la première heure se passe sur Terre), et Gravity, au bout d'une heure, est pour ainsi dire terminé ! Aïe donc ! Oui, le scénario est bête comme un Q, c'est un survival, rien de plus, même si on n'a pas beaucoup de doutes sur la fin du film (j'ai prévenu en haut d'article qu'il y aurait des spoilers, alors si vous avez continué à lire, c'est que soit vous avez déjà vu le film, soit que ça ne vous dérange pas de savoir comment ça se termine, alors voilà : le film se finit sur un happy end concernant Ryan, elle regagne la Terre, épuisée, certes, mais vivante).
Le problème du scénario, outre qu'il soit tellement mince qu'on pourrait plus parler de pitch que de scénario, c'est qu'il accumule les lourdeurs : pluie de débris à chaque fois que Sandra Bullock s'approche d'une station spatiale ou navette (à croire qu'elle les attire, la scoumounarde de l'espace), sans oublier le compteur d'oxygène de son scaphandre, au début, qui passe de 15% à 9% en un temps record, puis de 9% à 5% en trois fois plus de temps, et sans oublier aussi le principe du scénario, Bullock qui passe d'une navette à une autre, d'une station spatiale à une autre (l'ISS, la chinoise, laissez-lui une demi-heure de film en plus et elle aurait trouvé une navette belge ou serbo-croate, vous pouvez me croire) comme ça, avec une facilité déconcertante pour quelqu'un dont c'est la première expédition spatiale. Elle n'a apparemment aucun problème à lire le russe et les idéogrammes chinois.
Sans oublier une scène tellement grosse que la première fois que j'ai vu le film, j'ai quasiment hurlé que c'était IMPOSSIBLE, PUTAIN : Bullock est seule dans le Soyouz, dans un espace pressurisé, et elle a retiré son casque. Elle pense à se tuer en coupant l'oxygène, car pour elle, c'est fini, elle ne s'en tirera pas. Surgit alors Clooney, de l'espace, qui ouvre le sas, entre, le referme, et l'engueule à moitié, lui disant de ne pas déconner. Comment, on peut ouvrir une porte dans l'espace, comme ça, sans tuer ceux qui sont à l'intérieur et ne portent pas de scaphandre de protection ? Heureusement, deux minutes après, on comprend qu'en réalité, c'est une sorte de délire rêvé par une Sandra Bullock envapée, qui se reprend alors. Et nous de sourire, car tout s'explique. Car si la scène avait été réelle, et pas imaginée par Bullock, ça aurait été vraiment trop gros. Et le film aurait perdu toute crédibilité.
Voilà ce qu'est Gravity : un film techniquement irréprochable (le long plan-séquence inaugural de la réparation dans l'espace, bluffant ; des images sublimes et d'un réalisme total), plutôt bien interprété (Clooney n'apparaît que pendant le premier quart d'heure du film, disons les 20 premières minutes, donc c'est limité le concernant, mais Bullock est convaincante au possible), la réalisation de Cuaron est efficace...mais le scénario ne mérite pas ce nom, et accumule les clichés, lourdeurs, maladresses. Tout en étant un film à voir, c'est aussi, je pense, un film quelque peu surestimé, et qui sera battu à plates coutures par ce projet totalement incroyable, ambitieux, complexe et en même temps humain qu'a eu Christopher Nolan en 2014, cet Interstellar définitivement immense. A côté, Gravity paraît tellement petit...