Spoilers !
Revoilà Tim Burton, pour un film que je n'avais pas encore abordé, pour la simple et bonne raison que pendant des années, je ne l'ai pas aimé. Pourtant, j'aime vraiment l'univers de Tim Burton, mais je ne sais pas pourquoi, Big Fish, car c'est de ce film qu'il s'agit, m'avait laissé vraiment sur ma faim. J'ai revu le film par la suite (il y à de cela bien des années : j'ai vu le film à sa sortie en 2003, je l'ai revu en l'achetant en DVD genre en 2013 - et pas revu pendant les 10 ans d'intervalle ! -, et ce n'est que là que j'ai vraiment commencé à aimer ce film), et depuis, je ne suis pas loin de le considérer comme un des plus réussis, ou en tout cas un des plus beaux, films du réalisateur d'Edward Aux Mains D'Argent et de Sleepy Hollow, aux côtés...ben, des deux films que je viens de citer, notamment, et de Ed Wood aussi. Ah ! oui, et de Sweeney Todd. Et de Batman - Le Défi. Bref, aux côtés de plusieurs autres films. Mais en terme d'imagerie, de beauté visuelle, Big Fish est le plus grand des films de Burton, le plus burtonien tout en étant très accessible, ce qui n'est pas rien.
Parce qu'après tout, il est globalement difficile d'aimer les films de Tim Burton si on est imperméable à son univers. C'est pareil pour les films de David Lynch (faites voir Eraserhead à un type qui n'aime pas les films farfelus, et regardez sa réaction tout le long du film, et particulièrement lors de la scène du poulet !), et bien évidemment, d'Alejandro Jodorowsky. Je n'ose imaginer la tronche de quelqu'un regardant La Montagne Sacrée pour la première fois, surtout si ce quelqu'un n'est pas habitué à ce genre de films...Moi, quand j'ai vu le film pour la première fois, j'étais déjà habitué aux bizarreries filmiques, mais ma tronche devait quand même être amusante à regarder par moments ! Hé bien, les films de Tim Burton, dans l'ensemble, c'est à peu près pareil. Si vous n'aimez pas trop les ambiances gothiques, fantaisistes ou totalement irréelles, la beauté et la réussite de films tels que Sleepy Hollow ou Sweeney Todd (qui est, de plus, musical, ce qui en rajoute au côté hermétique du truc) vous passera par dessus la tête. Deux films de Burton peuvent servir de tremplin : Edward Aux Mains D'Argent (mais il faut cependant accepter l'idée d'un Frankenstein gothique aux mains de ciseaux) et Big Fish, plus terre-à-terre, tout en étant du Burton pur sucre.
Adapté d'un roman de Daniel Wallace (roman qui date de 1998 et qui fut un temps pressenti pour être adapté au cinéma par Spielberg, qui contactera le romancier avant d'abandonner la partie), Big Fish est sorti en 2003, et son scénario est signé John August. Le casting est remarquable : Ewan McGregor, Albert Finney, Billy Crudup, Jessica Lange, Marion Cotillard, Helena Bonham-Carter, Alison Lohman, mais aussi Danny DeVito, Steve Buscemi. Le sujet du film, et avant cela celui du roman évidemment, ne pouvait que toucher Tim Burton : on y parle d'un homme reprenant contact avec son père, bien des années après une grande fâcherie, et alors que celui-ci - son père - est à l'article de la mort. Le scénariste du film a découvert le roman, encore à l'état de manuscrit (6 mois avant qu'il ne soit publié), en 1998, alors qu'il venait de perdre son père, et a tout de suite convaincu Columbia Pictures d'acquérir les droits d'adaptation pour un film. Comme je l'ai dit plus haut, Spielberg a un temps pressenti faire le film (il imaginait Jack Nicholson dans le rôle finalement attribué à Albert Finney), mais il a préféré abandonner le projet pour faire Arrête-Moi Si Tu Peux. Tim Burton, quant à lui, bien que n'ayant jamais été super proche avec ses parents (de son propre aveu), n'en a pas moins été touché par leur disparition en 2000 (son père) et 2002 (sa mère). Entre les deux disparitions, en 2001 (il venait alors de finir de tourner son remake - raté - de La Planète Des Singes), il découvre le scénario adapté, signé August, et l'apprécie. Il accepte de faire le film, et le reste est donc l'Histoire, ces 125 minutes de pur bonheur.
L'histoire est donc la suivante : William Bloom (Billy Crudup) se marie avec Joséphine (Marion Cotillard). Au cours des festivités, le père de William, Edward (Albert Finney - et Edward jeune est joué par Ewan McGregor), raconte pour la énième fois, avec un indéniable sens du suspense et de la narration, comment, le jour de la naissance de William, il a attrapé un énorme poisson, tout seul, en utilisant son alliance comme appât. Une histoire incroyable et totalement farfelue, invraisemblable, que Will a déjà entendu son père raconter depuis des années, et qu'il est toujours embarrassé d'écouter, vu son invraisemblance. Il explique, très gêné, à Joséphine, que son père a toujours raconté ce genre d'histoires, des mensonges, et qu'à cause de ça, il n'a jamais pu lui faire confiance. Ce genre de choses, qui avaient peut-être plu à Will quand il était enfant et que son père les lui racontaient dans son lit, ne le sont plus après toutes ces années. La situation, entre Will et Edward, devient très tendue, au point que pendant trois ans, les deux hommes ne se parleront plus.
Au bout de trois ans, cependant, alors qu'il va bientôt être père, Will apprend que son père est malade, mourant même. Il prend l''avoin, en compagnie de Joséphine, pour aller le voir, afin peut-être de recoller les morceaux. Dans le trajet en avion, il se remémore une des vieilles histoires de son père, celle où il aurait dit, un jour, s'être aventuré dans un marais et y aurait fait la connaissance d'une vieille sorcière (Helena Bonham-Carter, qui joue cependant un autre rôle dans le film) qui, en lui montrant son oeil de verre, lui aurait dévoilé les détails de sa mort, bien des années plus tard. Quand Will et sa femme arrivent chez son père, ils le découvrent certes affaibli et malade, mais il a cependant conservé toute sa verve narratrice, et continue de leur raconter des histoires incroyables sur sa vie entière : il aurait passé trois ans dans un lit, enfant, car il grandissait trop vite ; il serait devenu un sportif réputé dans sa petite ville, ce qui ne l'aurait pas empêché de la quitter, en compagnie d'un...géant du nom de Karl ; il découvre au fil de ses pérégrinations une ville secrète, Spectre, peuplée de gens charmants, et notamment de Jenny, une jeune femme dont il tombe amoureux ; lui et Karl arrivent dans un cirque où ils vont travailler ; là, il va rencontrer Sarah (Alison Lohman), qui deviendra sa femme (Jessica Lange la joue, âgée), et va découvrir que le Monsieur Loyal du cirque, Amos (Danny DeVito), est un...loup-garou...
D'autres histoires complètement incroyables (Edward part en Extrême-Orient et se retrouve dans une histoire d'espionnage farfelue, notamment) suivent. Face à tant d'inventivité dans le mensonge, William ne peut qu'éclater et se fâche avec son père, malgré la maladie de celui-ci, et exige de lui qu'il raconte au moins un peu de vérité. Il décide de partir sur les traces de son père, et va découvrir que la ville de Spectre existe bel et bien, y retrouvant ainsi Jenny (Helena Bonham-Carter), qui a vieilli mais se souvient toujours d'Edward. Revenant chez son père, il apprend que celui-ci, ayant fait une attaque, est hospitalisé, et ne peut plus trop parler. Edward, cependant, demande à son fils d'imaginer comment il est censé finir sa vie : au bord d'une rivière, entouré de toutes les connaissances qu'il a faites dans sa vie. Il s'y trouverait en compagnie de William qui, au dernier moment, mettrait son père dans l'eau, où il se transformerait en un gros poisson. Edward, en entendant cette histoire larger than life imaginée par un autre que lui, approuve et meurt heureux de découvrir que son fils aussi aime les contes. Au cours des funérailles, William va faire la connaissance de plusieurs personnes ayant cotoyées Edward dans sa vie : Amos, Karl, les soeurs siamoises orientales Ping et Jing, et va ainsi découvrir la vérité : son père n'a rien inventé de sa vie, il a juste exagéré les choses pour les rendre plus belles et fantaisistes, mais il a réellement vécu ses histoires. Des histoires que Will pourra raconter à son fils par la suite...
Le titre du film est à double sens : le gros poisson qu'Edward affirme avoir pêché avec ses mains, le jour de la naissance de son fils (et dans lequel son fils imagine la réincarnation de son père à la fin) et une expression argotique américaine signifiant 'menteur'. Un big fish, en gros, c'est un mec qui se la raconte. Ca signifie aussi, l'expression existe aussi en français, un mec important, mais pour le film, c'est surtout pour insister sur le côté farfelu et invraisemblable (mais au final pas tant que ça !) des histoires, qui sont autant de vignettes, racontées par celui qui dit les avoir vécues, Edward. Pendant tout le film, on suit ces histoires en se mettant à la fois dans la peau d'Edward et dans celle de son fils : on est à la fois charmé et envoûté par ces histoires, et totalement incrédule, l'air de dire non mais vraiment, il exagère. Quand arrive la fin du film, on n'est pas si surpris que ça d'apprendre qu'en réalité, certes un peu exagérées (Karl n'est pas un vrai géant, juste quelqu'un de très grand, bien plus de 2 mètres, mais pas non plus 3 ou 4 mètres), ces histoires sont vraies. Le film est une ode à l'imagination, tout en étant centré sur la relation filiale, pas étonnant que le sujet ait emballé un Tim Burton qui, à l'époque, Sleepy Hollow (1999) excepté, s'était un peu écarté de son univers (Mars Attacks ! en 1996, La Planète Des Singes en 2001), mais y reviendra avec Big Fish, justement. Magnifiquement interprété, réalisé, écrit et doté d'une sublime musique du fidèle collaborateur burtonien Danny Elfman - ainsi que d'une chanson de Pearl Jam écrite pour le film, "Man Of The Hour" -, Big Fish est un petit chef d'oeuvre qui peut très bien servir de porte d'entrée à l'univers de Tim Burton. Un film qui peut plaire à à peu près tout le monde, donc, même s'il faudra peut-être deux visionnages pour bien apprécier son potentiel. Un film touchant, en tout cas !