Spoilers !
On a longtemps parlé de la relation privilégiée qu'il y avait entre Martin Scorsese et Robert De Niro, les deux hommes ayant fait beaucoup de films ensemble, suffisamment pour que De Niro soit considéré comme l'acteur fétiche du réalisateur. Pas moins de huit films, de Mean Streets (1973) à Casino (1995), et parmi eux, un grand nombre de monuments. Mais plus rien entre les deux monstres sacrés depuis 1995. Scorsese, après Casino, a eu un léger passage à vide via Kundun en 1997 (un film très atypique de sa part, sur la vie du Dalaï-lama) et A Tombeau Ouvert en 1999 (avec Nicolas Cage en ambulancier au bord de la rupture), mais est revenu en force en 2002 avec Gangs Of New York, film pour lequel il engagea Leonardo Di Caprio. Et personne encore, pas même les deux intéressés, ne pouvait savoir qu'une nouvelle longue et belle collaboration allait démarrer, Scorsese et Di Caprio ayant fait, pour le moment, Gangs Of New York inclus, pas moins de cinq films, tous remarquables. Le dernier en date (et l'avant-dernier film de Scorsese en date à l'heure actuelle), c'est ce film sorti en 2013 : Le Loup De Wall Street.
Le film, long (3 heures ; il est sans doute un peu trop long, en fait), est aussi interprété par Jonah Hill, Margot Robbie, Jean Dujardin, Kyle Chandler, Rob Reiner (oui, le réalisateur), Matthew McConaughey, Jon Favreau, Jon Berthal, Cristin Milioti, et Joanna Lumley et le réalisateur Spike Jonze, ainsi que Jordan Belfort, font une apparition. Jordan Belfort n'est ni un acteur, ni un réalisateur, ni quoi que ce soit qui ait un lien avec le cinéma, mais un courtier en bourse américain qui, dans les années 80, a fait fortune, connu la gloire, la grandeur, mais aussi une chute brutale avec prison à la clé, suite à des magouilles. Le film se base sur sa vie, d'après un livre qu'il a lui-même écrit, autobiographie portant le même titre que le film de Scorsese. Sorte de Jérôme Kerviel américain et avant l'heure (un film sur Kerviel, L'Outsider, a été fait en 2016, je pense que j'en reparlerai ici un jour), Jordan Belfort est un personnage larger than life, et pour l'interpréter et le mettre en scène, il n'y avait que Di Caprio et Scorsese. Dont ça sera le plus gros succès commercial à ce jour, au passage !
Jordan Belfort, dans les années 80, commence sa carrière comme courtier en bourse (Bourse de New York, à Wall Street) dans une entreprise du nom de L.F. Rothschild. Il y fait la connaissance de Mark Hanna (Matthew McConaughey) qui le prend sous son aile et lui apprend les ficelles du métier. Il obtient sa licence de courtier le 19 octobre 1987, jour d'un krach boursier entraînant la faillite de la société pour laquelle bosse Jordan, qui se retrouve licencié. Il se fait engager dans une petite société de Long Island, qui ne boursicote pas trop, et grâce à ses connaissances et son goût du risque, commence à bien gagner sa vie. Il crée même sa propre société de courtage, Stratton Oakmont, avec la collaboration d'un collègue, Donnie Azoff (Jonah Hill), mais utilisant des méthodes de courtage illégales, il est rapidement surveillé et suspecté par le FBI, qui organise une enquête, tandis que Jordan commence à plonger dans la débauche (alcool, putes, drogues...).
Il fait la connaissance de Naomi (Margot Robbie), et divorce d'avec sa femme Teresa (Cristin Milioti) pour pouvoir vivre avec elle et l'épouser, lui offrant comme cadeau de mariage un luxueux yacht portant son nom. Après avoir gagné quelques 22 millions de dollars suite à un négoce boursier avec une société de fabrication de chaussures, Jordan et Donnie sont plus que jamais épiés par le FBI, et décident de planquer leur argent en Suisse, aidés pour ce faire par un banquier véreux, Jean-Jacques Saurel (Jean Dujardin), qui lui conseille d'ouvrir un compte dans sa banque sous le nom d'une personne ayant un passeport européen. Jordan choisit la tante de sa femme Naomi, Emma (Joanna Lumley). Le début d'un long engrenage entre menaces fédérales, coups bas de ses relations et dérives personnelles...
Interdit aux moins de 12 ans en raison de plusieurs scènes assez osées (quand Jordan et ses potes font la fiesta, sur son yacht ou ailleurs, ça peut déraper, Bret Easton Ellis n'est pas loin), le film est un petit chef d'oeuvre jubilatoire, drôle et débridé, interprété par des acteurs en grande forme et notamment un Di Caprio totalement habité par son rôle. C'est bien simple, ce film, une sorte de Scarface boursier (sans la violence), n'a que deux défauts : sa longueur, éreintante surtout au premier visionnage (2h20 aurait été très bien comme durée, plutôt que 3 heures), et son côté vraiment dingue, débridé, out of control, il faut un petit moment pour s'y faire. Mais la réalisation de Scorsese est remarquable et elle sert bien le propos du film. Je viens de citer Bret Easton Ellis, écrivain américain ayant vécu une vie plutôt dissolue et s'en étant inspiré pour ses romans (souvent violents, sexuels, décadents) comme Moins Que Zéro, Glamorama et évidemment American Psycho, car ce film de Scorsese aurait très bien pu avoir été écrit par cet écrivain, c'est franchement du même ordre. Le Loup De Wall Street est, dans l'ensemble, un excellentissime film, réjouissant et édifiant à la fois, sur un homme connaissant gloire, fortune, débauche et chute spectaculaire (avant une certaine rédemption).