Spoilers...
Roald Dahl, vous connaissez ? Mais siiiii, vous savez bien, cet auteur britannique (d'origine norvégienne ou danoise si je ne m'abuse) spécialisé dans la littérature pour enfants (mais qui a aussi signé le scénario d'un des meilleurs opus de la saga James Bond : On Ne Vit Que Deux Fois, 1967), auteur de Sacrées Sorcières, Mathilda, Charlie Et La Chocolaterie (et sa suite Charlie Et Le Grand Ascenseur De Verre), James Et La Grosse Pêche et La Potion Magique De Georges Bouillon. Si Dahl (au style inimitable et aux romans passionnants à lire quand on est enfant ; il m'a donné le goût de la lecture) est essentiellement connu pour ses deux romans sur le petit Charlie et le chocolatier Willy Wonka (le premier roman a été adapté à deux reprises au cinéma, Wonka ayant été joué par Gene Wilder dans les années 70, et Johny Depp dans les années 2000) et Mathilda, il a aussi écrit le roman dont le film que j'aborde aujourd'hui est l'adaptation : Le Bon Gros Géant. Ce film sorti en 2016, film d'animation avec acteurs, est donc l'adaptation du roman de Roald Dahl. C'est Steven Spielberg (dont c'est, à l'heure actuelle, le dernier film sorti, mais son prochain devrait sortir début 2018 chez nous) qui a réalisé le film, il s'agit d'ailleurs de son deuxième film d'animation après Les Aventures De Tintin : Le Secret De La Licorne (qu'il avait cependant co-réalisé avec Peter Jackson), et le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est le film le plus enfantin (et un des plus à part) du grand Steven.
Le film est interprété par Mark Rylance (dont c'est, après Le Pont Des Espions qui était le précédent film de Spielberg, la deuxième collaboration avec le réalisateur ; il jouera dans Ready Player One, un des prochains films du réalisateur, sortie en 2018 ou 2019) dans le rôle du Bon Gros Géant ou BGG pour les intimes (en anglais : The Big Fat Giant ou BFG) et Ruby Barnhill, on y trouve aussi Penelope Wilton dans le rôle de la Reine d'Angleterre Elizabeth II et Rebecca Hall. La voix VF du BGG est assurée par Dany Boon, ce qui explique son tag en bas d'article. Le film est doté d'un scénario signé Melissa Mathison (d'après, évidemment, le roman) et est dédié à Mathison, décédée en novembre 2015. C'est elle qui avait signé les scénarios d'E.T. L'Extra-Terrestre et du segment spielbergien le moins bon du film, hélas) du film à sketches La Quatrième Dimension. Elle fut aussi assistante de Coppola pour Le Parrain 2 et Apocalypse Now, et a signé les scénarios de Kundun (de Scorsese), L'Etalon Noir et L'Indien Du Placard, pas de très grands films (hormis le Spielberg ; je ne parle que de ceux dont elle a signé le scénario), mais c'est tout de même malheureux qu'elle ne soit plus, et il est logique que Spielberg lui ai dédié ce film, le dernier dont elle a signé le scénario.
L'histoire se passe en Angleterre, à une époque indéterminée mais que l'absence d'éléments tels que téléphones portables, ordinateurs (etc) situent à peu près à l'époque de l'écriture du roman initial, soit 1982, si ce n'est bien des années auparavant. Sophie (Ruby Barnhill) est une jeune orpheline d'une dizaine d'années, et vit dans un orphelinat londonien. Une nuit, elle aperçoit, dans la rue, une gigantesque forme humaine qui éteint les réverbères et s'approche de l'orphelinat, un géant (Mark Rylance) qui va l'emmener avec elle au Pays des Géants. D'abord effrayée par ce géant de plus de 7 mètres, elle va rapidement se rendre compte qu'il est gentil, et va très fort s'intéresser à lui. Le Bon Gros Géant (qui, comparé aux autres géants de son pays, est plutôt chétif ; et les autres géants sont, eux, des brutes sanguinaires qui passent leur temps à se foutre sur la tronche et, quand ils capturent des enfants, les mangent) va emmener Sophie au Pays des Rêves, l'endroit où il recueille (sur un gigantesque arbre) des rêves qu'il distribue, ensuite, la nuit, aux enfants (c'est d'ailleurs ce qu'il était en train de faire quand Sophie l'a surpris). Mais la présence de Sophie attire l'attention des autres géants, qui vont dès lors représenter une menace. Ils risquent fort d'attaquer l'Angleterre, et il faut à tout prix avertir la Reine et faire quelque chose contre eux, avec l'aide du BGG...
L'histoire est simple, on le voit, mais c'est après tout une adaptation d'un roman pour la jeunesse, il ne faut pas chercher une étude psychologique poussée des personnages ou une critique de la société. Mark Rylance est excellent dans le rôle de ce gentil géant (la VF est parfaite, au passage), l'animation est tellement monumentale qu'on a l'impression qu'il n'y à pas de trucages. Certaines séquences sont touchantes, d'autres, comme celle de la dégustration de frétibulle au Palais de Buckingham, sont hilarantes. Cette scène m'a fait hurler de rire. La frétibulle est une boisson dont le BGG est particulièrement friand, une eau gazeuse dont les bulles vont à rebours, ce qui fait qu'au lieu de faire roter, elle fait péter, et assez violemment, de la fumée verte (couleur de la boisson). Quand, dans le Palais, la Reine, ses conseillers d'état-major, le BGG lui-même et même les chiens (des corgis) de la Reine en boivent, on a un instant de flottement, au moment où tout le monde se rend compte qu'il va péter sans pouvoir s'en empêcher, et soudain, c'est le chaos dans la salle (la tronche des chiens, qui se regardent, gênés, avant de tout lâcher, est impayable), sur fond de cornemuse. C'est très con, comme scène, mais vraiment à tomber par terre ! La scène la plus drôle de tout le cinéma de Spielberg (enfin, dans 1941, on en a un paquet de terriblement hilarantes aussi, c'est vrai).
Le film a été quelque peu critiqué à sa sortie, pas pour son rendu visuel car comme je l'ai dit, Le BGG est une merveille, c'est un enchantement visuel, d'un réalisme incroyable tout en étant d'une belle inventivité. Roald Dahl, mort en 1990, aurait été fier et emballé du résultat. Mais on a critiqué le film pour être gentillet, limite on ne comprenait pas pourquoi Steven Spielberg, le réalisateur de La Liste De Schindler et des Dents De La Mer, faisait un tel film, qu'on se serait attendu à être réalisé par Brett Ratner ou Gore Verbinski. C'est justement ça que j'adore chez Spielby, sa capacité à changer complètement d'univers de film en film. Son film précédent était sur la Guerre Froide et l'espionnage, et le film qui suivra Le BGG sera sur l'affaire du Watergate (et ensuite, un film de SF). C'est quand même un des rares réalisateurs capables de passer d'un film sur la vengeance d'Israël suite aux attentats palestiniens des JO de Munich à un Indiana Jones, ou d'un (autre) Indiana Jones à un film sur la condition des Noirs dans l'Amérique profonde des années 1900. Le BGG est un autre exemple de ce grand écart thématique que Steven pratique de film en film. Notons qu'il avait l'intention d'adapter ce roman depuis 1991 environ, il attendra notamment (comme Cameron pour son Avatar) que les technologies évoluent suffisamment pour lui permettre de faire ce qu'il avait envie de faire avec le projet. Robin Williams fut un temps envisagé pour le rôle-titre, ce qui aurait été une très bonne chose, mais hélas la vie en a décidé autrement. Rylance est cependant excellentissime dans le rôle-titre.
En partie produit par Walt Disney Productions (comme ce fut le cas de Cheval De Guerre), Le BGG est un très beau film d'animation pour tout le monde, à la fois drôle et touchant, magnifiquement réalisé (à un moment donné, on oublie totalement qu'il s'agit d'un film d'animation, même si ce n'est pas, en fait, vraiment le cas : seuls les acteurs jouant les géants sont faits en animation d'après acteurs, les autres sont des acteurs en chair et en os ; mais à un moment donné, même les géants semblent totalement réels, et pas refaits par ordinateur d'après des acteurs avec des capteurs sur la peau), et dont le seul point faible, d'après certains, est d'avoir été réalisé par Spielberg, qui s'est vraiment laissé retomber en enfance pour le coup (mais de temps en temps, ça fait du bien, non ?). Certes, ce n'est pas le sommet du réalisateur, mais c'est un film vraiment très agréable, visuellement magique, et une belle récréation pour le réalisateur de Jurassic Park. Quitte à faire un film totalement irréel et destiné à tout le monde, quitte à faire un film magique, autant que cela soit Le BGG que le franchement médiocre Hook (1991), non ? Bref, pour finir, voici un charmant film pour toute la famille !