Spoilers !
Parlez de Michael Bay à un cinéphile, il grimaçera probablement, à moins de ne jamais avoir entendu parler de lui. Et si c'est le cas, dites simplement que c'est le réalisateur de Pearl Harbor, Rock et Armageddon, et là, il grimaçera. Comment faire autrement, en même temps ? Ces films sont très sympathiques à regarder de temps en temps (même si les 3 heures de Pearl Harbor et ses romances à deux balles quarante-huit façon triangle amoureux sur fond de guerre sont des plus chiantes, surtout quand c'est Ben Affligeant Affleck et Josh Hargneux Hartnett qui jouent les rôles masculins principaux), mais si leurs effets spéciaux sont remarquables, ce sont quand même du cinéma popcorn sans envergure, et outrancièrement patriotique et bourrin (aah, les seconds rôles d'Armageddon, caricaturaux au possible...aah, cette fameuse scène de Pearl Harbor, où Roosevelt, complètement paralysé des jambes depuis son enfance suite à la polio, se lève difficilement pour dire à ses officiers que tout est possible quand on a la foi ou qu'on est les USA...). C'est sympathique, bien foutu, parfois fendard (et parfois involontairement), mais ce n'est pas du grand cinéma. Enfin, si, mais pas du cinéma de grande envergure, et pardon s'il y à des fans. Moi, je n'hésite pas à dire que j'aime ces films pour ce qu'ils sont, mais ils ne me transportent pas comme le font les Kubrick, Fellini, Kurosawa ou Spielberg.
Mais Michael Bay a beau être le principal accusé responsable de films tels que Bad Boys et sa suite schtarmbouze, ou de Rock et Armageddon, sans oublier les inexcusables films de la saga Transformers, il a quand même signé un film qui mériterait qu'on réévalue le niveau de ce réalisateur : 13 Hours. Sorti en 2016, ce film, dont le titre original est 13 Hours : The Secret Soldiers Of Benghazi est en effet un film atypique dans la filmographie bourrine de ce réalisateur vraiment habitué aux grosses productions popcorn destinées à ameuter le chaland dans les salles et à le faire surkiffer sa race pendant 2h30. 2h30, c'est la durée de ce film (en fait, non, il dure 2h25 !) au casting assez étonnant, car on n'y retrouve aucune star. Pas de Bruce Willis, pas de Tom Cruise, pas d'Owen Wilson, pas de stars. On a James Badge Dale, John Krasinski, Max Martini, Pablo Schreiber, Alexia Barlier (actrice française ayant joué dans la série TV Falco et dans diverses pubs, notamment), David Denman, Toby Stephens, David Giuntoli et Matt Letscher. Oui, je sais, ça fait bizarre de citer autant de noms méconnus ou inconnus (certains, comme Badge Dale ou Stephens, sont connus, Stephens jouera le méchant dans le plus mauvais James Bond de l'histoire, Meurs Un Autre Jour, et Badge Dale a joué notamment (de petits rôles) dans Les Infiltrés, The Walk et Flight. Mais ce ne sont clairement pas des têtes d'affiches, des acteurs bankables.
Déjà, en 2013, Bay avait quelque peu surpris avec No Pain No Gain, un film quasiment intimiste (petit budget comparé à tous ses précédents films depuis Bad Boys) mais qui avait quand même sa galerie de têtes d'affiches : Mark Wahlberg, Dwayne "The Rock" Johnson, Ed Harris. Pour 13 Hours, c'est vraiment autre chose. J'ai découvert ce film tardivement, au moment d'une campagne de promotion fnacienne du genre 3 Blu-ray pour 30 € (c'est même exactement la promotion), et je l'ai pris avec Jurassic World et Au Coeur De L'Océan (de Ron Howard). Le visuel du boîtier (un soldat courant pour fuir une explosion) donnait l'impression que le film serait un film de guerre bien prenant, ce qu'il est par ailleurs (mais pas que). Le nom de Michael Bay n'est pas très visible (il faut s'approcher pour le distinguer, il n'est pas mis en avant), et je ne me suis rendu compte que c'était un de ses films qu'une fois chez moi, en fait,, ayant pris ce film rien que parce que son visuel m'attirait, sans même lire le résumé au dos ! Bon, je n'ai pas été déçu (si je n'avais pas aimé le film, je ne l'aurais pas abordé ici), mais en revanche, j'ai été surpris.
Et même cueilli. 13 Hours non seulement ne contient aucune star, aucun héros auquel on peut s'identifier immédiatement (du genre on voit Bruce Willis, ou Russell Crowe, et on sait que le film sera porté sur ses épaules), et dans sa réalisation-même, est très anti-Bay. C'est tourné parfois un peu à la manière d'un documentaire, d'un reportage tourné sur le vif par un envoyé spécial couvrant un conflit. Un peu comme les films Démineurs et Zero Dark Thirty (tous deux remarquables). 13 Hours raconte une histoire vraie : le 11 septembre 2012, soit 11 ans après ce que l'on sait, des terroristes vont attaquer la mission diplomatique américaine de Benghazi (Libye), ainsi qu'une base secrète de la CIA (aussi à Benghazi). Cette attaque sera repoussée, pendant 13 heures durant, par six agents de la sécurité, ce qui n'empêchera pas la mort de quatre Américains, parmi eux l'ambassadeur des USA en Libye, J. Christopher Stevens...
13 Hours : The Secret Soldiers Of Benghazi (on notera pour l'anecdote inutile que le titre québecois est, comme souvent, mal traduit : "Le Secret Des Soldats De Benghazi", non-sens, car c'est en fait par "les soldats secrets" qu'il aurait fallu traduire) est à la fois un film de guerre et un drame. Ne vous attendez pas à des scènes d'action bourrine genre Fury (autre excellent film). On a de l'action, certes, et c'est diablement bien foutu (on parle de Michael Bay, après tout), mais pas tant que ça, et la plupart du temps ça se résume à tirer sur des terroristes embusqués dans la plaine entourant la mission diplomatique, avec les agents de sécurité sur les toits et terrasses. 13 Hours est probablement le film le plus audacieux et aventureux de Bay, et c'est celui qui a reçu parmi les meilleures critiques presse (d'ordinaire, les films de Bay sont méprisés par la presse, genre encore un blockbuster décervelé) tout en ayant été le film de Bay qui a le moins bien marché au box-office.
A la fois parce que son sujet a sans doute été un frein aux USA (ce drame du 11 septembre 2012, 11 ans après un autre drame, a été un autre traumatisme pour les USA, que l'on attaquait en ce jour de deuil) et à cause du côté assez avant-gardiste du film et de son casting sans étoiles (ceci dit, les acteurs sont excellents). Au final, c'est peut-être le film le plus recommandable de Michael Bay, et sans aucun doute un de ses meilleurs, si ce n'est son meilleur.