Spoilers...
30 ans qu'on attendait ça. Et j'espère bien qu'on n'attendra pas encore 30 ans pour un nouveau volet. Je parle bien entendu de la saga australienne Mad Max, ces classiques du cinéma de SF/anticipation/post-apocalyptique. Un premier volet génial et très brutal sorti en 1979 (qui sera interdit en France pendant quelques années), réalisé par George Miller et interprété par le tout jeune Mel Gibson, que la saga révèlera. Un deuxième volet, toujours réalisé par Miller et interprété par Gibson, sortira en 1981 : Mad Max : Le Défi, encore plus réussi que l'original, et qui, dans un sens, pose vraiment les bases de la saga (l'univers, le style). Et un troisième volet, réalisé par George Miller et George Ogilvie (mais surtout par Miller), interprété par Gibson et par Tina Turner (qui chantera les deux chansons du générique) en 1985, Mad Max Au-Delà Du Dôme Du Tonnerre, un film qui démarre bien mais s'effrite ensuite progressivement, devenant une sorte de remake adouci du second volet. Indéniablement le moins réussi de la saga, et dire que pendant 30 ans, ça sera le dernier opus à se mettre sous la dent !
Pendant des années, on parlera d'un quatrième opus, que George Miller réaliserait et qui serait toujours interprété par un Mel Gibson devenu entre temps une star internationale grâce à la trilogie, et grâce à la saga L'Arme Fatale (premier film en 1987). Mais le projet de ce quatrième opus restera pendant longtemps, longtemps, loooongteeeeemps un projet mort-né ou presque, dans l'enfer du développement, comme on dit, et au fil des années, Mel Gibson prenant de plus en plus de la bouteille (et du recul vis-à-vis du cinéma, à cause en partie de sa Passion Du Christ et son Apocalypto, qui l'ont quelque peu grillé à Hollywood), on le sentait de moins en moins enclin à reprendre le rôle, jusqu'à ce que ça ne soit tout simplement plus possible. Jusqu'au jour où on annonce le tournage prochain de ce quatrième opus, avec un acteur qui monte dans le rôle-titre : Tom Hardy. L'acteur de Bronson possède la carrure suffisante pour endosser le rôle (et même : Gibson n'a jamais été une montagne de muscles, et était malgré cela très convaincant en Mad Max), et est par ailleurs un vrai bon acteur. De plus, la saga est australienne, le réalisateur aussi, et Hardy est britannique, bref s'il ne come pas from a land down under (merci Men At Work), il est issu du Commonwealth, ça reste du même ordre.
C'est ainsi qu'un beau jour de mai 2015, le film sort en salles en France, où il est joyeusement projeté hors-compétition à Cannes, en guise d'ouverture du festival (en compagnie de notamment les deux acteurs principaux Tom Hardy et Charlize Theron), et sera tout aussi joyeusement interdit aux moins de 16 ans, ce qui peut se comprendre en regardant le film (en revanche, je ne m'explique pas que sur la jaquette du Blu-ray apparaisse, sur fond vert, la mention 'tous publics', de qui se foutent-ils ?). Le film est intitulé Mad Max : Fury Road, et sa bande-annonce, avant la sortie, a quelque peu perturbé les fans : Mad Max y semble un peu en retrait par rapport au personnage de Furiosa, interprété par une totalement méconnaissable Charlize Theron. Autant le dire tout de suite : la bande-annonce dit vrai par rapport au film complet (qui dure 2 heures et a été tourné, pour l'anecdote, en Namibie) : oui, le personnage culte de Mad Max Rockatansky, vraiment très bien campé par Tom Hardy, est en retrait par rapport aux autres personnages, il est un peu le personnage secondaire de son propre film... mais vous savez quoi ? Ce parti-pris de la part de George Miller (qui se décidera à faire ce film après avoir reçu un projet de scénario de la part de l'auteur de BD Brendan McCarthy, qui a co-signé le scénario avec Miller) n'est ni maladroit, ni honteux. Les autres personnages sont tellement incroyables qu'on pardonne aisément à Miller d'avoir un peu sous-représenté son personnage-titre et culte.
L'action se passe dans un monde post-apocalyptique, aucune date n'est donnée, mais la Terre a pris cher. Mad Max est capturé par une horde de guerriers blafards, scarifiés et chauves qui se font appeler les War Boys et sont les soldats du tyran local Immortan Joe (Hugh Keys-Byrne, acteur qui, dans le premier opus, jouait le chef des barbares, le Toecutter). Cet Immortan Joe, au look incroyable me faisant penser à une version trash de Humungus dans le second volet, est un monstre humain, dans tous les sens du terme, qui a totalement asservi en esclavage la population locale. Mad est utilisé comme donneur de sang universel, et va être relié, par un cathéter, à un des War Boys, Nux (Nicholas Hoult), un guerrier des plus chétifs, maladifs, dont le but est d'obtenir une mort suffisamment héroïque pour se garantir un accès au Valhalla, le paradis (entre parenthèse, chaque War Boy est dressé, dès son enfance, au combat, dans un culte très glauque de la mort et de la violence, et est relié à un esclave lui donnant son sang).
Pendant ce temps, l'Imperator Furiosa (Charlize Theron), un des lieutenants d'Immortan Joe, est envoyée en mission à bord d'un camion-citerne blindé, afin de rapporter de l'essence, une denrée des plus rares. Mais elle va rapidement entraîner le camion hors de l'itinéraire prévu. Ne comprenant, au départ, pas vraiment pourquoi Furiosa a agi ainsi, Immortan Joe se rend compte qu'elle a embarqué avec elle, dans le camion, les cinq femmes du harem personnel du tyran, ses esclaves sexuelles, ses pondeuses. Fou de rage, il lance son armée motorisée de barbares et War Boys à sa poursuite. Max, relié à Nux le jeune guerrier, est forcément du voyage. A la suite d'un affrontement motorisé violent, il se réveille dans le désert, toujours relié à Nux, et non loin du camion de Furiosa. Voyant la horde d'Immortan Joe se pointer à nouveau, Max parvient à se désolidariser d'un Nux quasi mort et à grimper dans le camion de Furiosa, avec qui il va devoir faire alliance, malgré une méfiance partagée...
Sorte de long road-movie constitué d'une course-poursuite haletante renvoyant celle de Mad Max : Le Défi aux pâquerettes, Mad Max : Fury Road est une totale réussite. Visuellement, le film est une claque, il instaure un univers d'un réalisme et d'une inventivité remarquables, extrêmement glauque par moments, au point qu'il est impossible de ne pas se dire, en regardant le film, que cet Immortan Joe et sa clique sont de vrais tarés, des psychopathes sanguinaires et dégénérés. Ca met parfois assez mal à l'aise tellement ça va loin, surtout que c'est parfois assez graphique. Barbare comme c'est pas permis, le film est violent, brutal et sanglant, et interprété par des acteurs juste époustouflants, mention spéciale à une Charlize Theron totalement méconnaissable : crâne rasé, amputée d'un bras, regard de fou, peinturlurée de cambouis sur le front, elle parvient totalement à faire oublier la starlette en robe dorée qui s'exclame "J'adore !" dans une fameuse publicité. Tom Hardy est certes en retrait, mais très convaincant dans le rôle-titre. Hugh Keays-Byrne est hallucinant dans ce warlord terrifiant au look sensationnel, Immortan Joe. Nicholas Hoult est incroyable dans le rôle de Nux.
La réalisation de George Miller est solide, efficace, à l'ancienne, et le scénario est très inventif, tout en étant quand même d'une simplicité redoutable à la base : c'est juste une histoire de course-poursuite dans laquelle Max se retrouve imbriqué. La musique est signée Junkie XL, un artiste néerlandais de musique électronique, et elle va bien avec le film. Film que je conseille ultra-ardemment à tout amateur de la trilogie initiale et à tout fan de film post-apocalyptique, un terme qui, ici, prend vraiment tout son sens. Inventivité dans les décors et thèmes, acteurs excellents, réalisation de folie, Mad Max : Fury Road enterre littéralement, et très profondément, le précédent opus de la saga, et est meilleur que le premier volet. C'est aussi un des meilleurs films de 2015, et il sera d'ailleurs, et très justement, acclamé par une presse quasi-unanime et des spectateurs ravis du résultat. On espère vraiment un cinquième volet, après la vision de cette résurrection !