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Spoilers !...

Décidément, Quentin Tarantino arrivera toujours - tou-JOURS - à me surprendre et à me ravir. Ce fut le cas dès le premier film que j'ai vu de lui, Pulp Fiction, qui a littéralement traumatisé le cinéphile en moi dès le premier visionnage. Puis ce fut Jackie Brown (qui reste à ce jour le film que j'aime le moins de lui, mais c'est vraiment relatif), Reservoir Dogs...et mon premier Tarantino au cinéma (suivi de tous les autres par la suite), Kill Bill Vol.1. En sortant de la salle en ce jour de 2003, j'avais une hâte, celle de voir la seconde partie illico presto, et l'attente fut longue. Par la suite, que cela soit Boulevard De La Mort, Inglourious Basterds ou Django Unchained, à chaque fois, ce fut un grand moment dans la salle, et un autre grand moment devant ma TV, à revoir le film en DVD. Aussi ai-je foncé comme un malade en janvier 2016 pour voir Les 8 Salopards, son huitième film (en considérant les deux parties de Kill Bill comme un seul et unique film coupé en deux, ce qui est de toute façon le cas), embringuant par la même occasion mon père, fan de westerns mais pas particulièrement amateur de Tarantino (il avait bien aimé Django Unchained dans l'ensemble), et qui, au final, a vraiment aimé l'affaire.

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Comme moi, car autant le dire tout de suite en amorçe de ce deuxième paragraphe, j'ai adoré ce film au même titre que les autres ; ce huitième film est une preuve supplémentaire du génie de Tarantino. Je dis ça, car le film a reçu quelques critiques un peu moyennes à sa sortie (du genre trop long - et il dure, en effet, 2h40 à peu près, et il y à une version plus longue encore, de 3 heures - , trop bavard, trop lent dans sa première partie). Toutes ces critiques sont valables : oui, le film est long, il y à peu d'action dans sa première moitié (en revanche, dès que ça démarre, ça ne s'arrête plus), et beaucoup plus de dialogues que d'ordinaire. Mais QT est un génie pour les dialogues et instaurer une ambiance.

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Le fan que je suis trépigne à chaque fois qu'il retrouve telle ou telle référence à un vieux film, une série TV, dans les films de Tarantino. Dans Boulevard De La Mort, je me souviens avoir souri comme un con, dans la salle, en entendant la musique (signée Morricone) de L'Oiseau Au Plumage De Cristal de Dario Argento dans la scène où Stuntman Mike photographie des filles. Entendre le thème de Shaft, ou un vieux tube disco-latino de Santa Esmeralda, dans Kill Bill Vol. 2, c'est amusant aussi, surtout quand c'est en total décalage. Des exemples comme ça, il y en à tellement (avoir fait venir Franco Nero, acteur-titre du Django d'époque, dans Django Unchained, dans une scène faisant allusion, dans ses dialogues, à la mythique réplique du personnage, j'insiste sur le D, c'est typique de Tarantino) que je vais m'arrêter là, il me faudrait un blog entier pour tous les référencer. Inévitablement, Les 8 Salopards (The Hateful Eight, le titre anglophone est un jeu de mots sur 'hate' et 'eight' qui se prononcent exactement pareil) en possède aussi pas mal. Rien que son titre est une allusion aux 7 Mercenaires de Sturges, classique du western.

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Le film est donc un western, le deuxième de Tarantino après Django Unchained, et si son précédent western était très violent, celui-ci, bien que comprenant des scènes très dures dans sa deuxième partie, est plus psychologique. Tarantino, en interviews, dira qu'une des références qu'il avait en tête en faisant le film n'était pas un western mais un film d'horreur : The Thing de Carpenter (avec Kurt Russell, qui joue dans le film, et sur une musique de Morricone, qui a composé la bande-son du Tarantino). Les deux films se passent sous la neige (mais pas dans le même environnement, The Thing se passant en Antarctique !), la bande-son est donc du même compositeur et on a des thèmes qui se ressemblent dans les deux films, et l'acteur principal est le même. Plus une belle ambiance de suspicion totale, de paranoïa. 

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L'histoire est, comme souvent chez Quentin, assez complexe, en voici la trame rapide : l'action démarre dans une diligence évoluant sous un temps pourri (neige, tempête) et qui trimbale deux chasseurs de primes, Marquis Warren (Samuel L. Jackson, dont le nom du personnage est aussi celui d'un réalisateur de la série TV western Rawhide) et John Ruth, alias "Le Bourreau" (Kurt Russell), lequel est enchaîné à Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh), une criminelle, membre d'un gang, qu'il a arrêtée et conduit vers la ville la plus proche afin de la faire juger et pendre. En cours, ils prennent Chris Mannix (Walton Goggins, révélation tarantinesque du film), un shérif ne partageant clairement pas les mêmes idées que Warren notamment (il est clairement raciste, et Warren est noir). Ils s'arrêtent en cours de route à un relais de poste, chez Minnie's, afin d'y passer la nuit. Mais les deux habitués du lieu que sont Warren et Ruth sentent d'entrée de jeu que quelque chose ne va pas. D'abord, la patronne, Minnie, n'est pas là. Ensuite, les différents clients (joués par Tim Roth, Michael Madsen, Bruce Dern...) ne leur inspirent pas confiance. Rapidement, la tension va s'installer au fil des conversations, une tension de plus en plus instable en même temps que la météo empire... Impossible de s'en aller, mais quelque chose de terrible risquerait fort de se produire si tout le monde reste en ce seul et même endroit...

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Les acteurs sont, tous, prodigieux, à commencer par Samuel L. Jackson (qui, le temps d'une scène en flash-back narrée par son personnage au vieux militaire en retraité joué par Bruce Dern, scène absolument scandaleuse, est juste jouissif) et Kurt Russell, sans oublier Walton Goggins, qui a tout du personnage typique du vieux western des années 50. La musique de Morricone est inoubliable (la scène d'ouverture, le générique quoi, est géniale et met bien dans l'ambiance), et si la première partie est assez bavarde (pas au risque de vraiment décrocher sauf si on déteste les longs dialogues - mais dans ce cas, pourquoi regarder un Tarantino ? - mais c'est quand même assez verbeux), la seconde, très brutale, est ahurissante. Quand la violence et le sang déboulent dans le film, c'est comme dans un Peckinpah de la grande époque : sans prévenir, et le spectateur sursaute littéralement.

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On peut juste reprocher le final d'être un peu grandiloquent dans la manière dont un des personnages les plus salopards du titre se fait éliminer par les deux autres survivants qui le tuent en éclatant de rire (j'ai prévenu qu'il y aurait des spoilers dans l'article par un avertissement en introduction, mais je ne vais pas aller jusqu'à dire qui se fait tuer par qui, et qui sont les survivants à la fin du film - regardez-le pour le savoir !), mais c'est bien le seul reproche scénaristique à faire. Sinon, le film est classique dans sa construction, en plusieurs chapitres titrés, avec moult flash-backs, retournements de situations, allusions à d'autres films (de Tarantino et d'autres réalisateurs), punchlines bien senties, personnages inoubliables, longue durée mais qui ne se fait pas sentir... Les 8 Salopards est un chef d'oeuvre de plus de la part de QT, tout simplement, et j'ai déjà hâte de voir son prochain film, même si pour le moment, rien ne filtre (je ne sais pas s'il en filme un pour le moment, mais je ne pense pas) !