Stephen King est le spécialiste de l'horreur et du suspense, mais il lui arrive quand même d'écrire des romans ne faisant partie ni de la première, ni de la seconde catégorie. C'est le cas de ses deux derniers romans, Histoire De Lisey et Duma Key. Ou de Coeurs Perdus En Atlantide. Ou de Sac D'Os. Ou des quatre histoires du recueil Différentes Saisons (dont trois ont donné des films : Les Evadés, Un Elève Doué, Stand By Me). En 1993, il écrit Dolores Claiborne, roman constitué en une seule longue partie, sans aucune séparation en chapitres, et raconté à la première personne du singulier. Une confession (fictive, car le personnage n'existe pas réellement). Deux ans plus tard, en 1995, donc, Taylor Hackford l'adapte au cinéma, avec Kathy Bates, Jennifer Jason Leigh, David Strathairn, Christopher Plummer et Judy Parfitt : Dolores Claiborne.
Dolores Claiborne (Kathy Bates) vit, avec son mari Joe (David Strathairn) et sa fille Selena (Jennifer Jason Leigh, mais Ellen Muth pour Selena enfant), sur une petite île du Maine, Little Tall Island. Son mari est alcoolo et rustre, et il lui arrive de la battre. Elle, aussi, n'a pas la langue dans sa poche. Elle travaille comme intendante chez Vera Donovan (Judy Parfitt), une vieille dame aussi riche que méprisante et 'peau de vache' de première, qui lui en fait voir de toutes les couleurs.
Voilà pour le résumé rapide de l'histoire de Dolores. Mais le film démarre par un accident qui coûtera la vie de Vera Donovan, et qui fera que Dolores héritera de sa fortune, un accident qui arrive bien des années après que Dolores soit entrée au service de cette femme âgée. Pour la police, chargée d'élucider les circonstances de la mort de la vieille dame, la mort est suspecte, et Dolores se retrouve suspectée de l'avoir tuée. De plus, plusieurs années auparavant, au cours d'une éclipse, Joe, le mari de Dolores, avait trouvé la mort dans des circonstances, elles aussi, assez particulières. Dolores se retrouve donc à raconter sa vie pour prouver son innocence pour la mort de Vera...tout en certifiant qu'en ce qui concerne la mort, bien plus ancienne, de son mari, elle pourrait bien, en effet, être coupable (mais il y à prescription) ! Sa fille, Selena, revient sur l'île, à la fois pour revoir sa mère, avec qui les ponts étaient coupés, et pour suivre l'affaire...
La réalisation de Hackford est sobre, elle retranscrit bien la vie sur une petite île, où tout le monde se connaît, où un secret ne reste pas enfoui longtemps (ou, au contraire, où les choses sont tues par la communauté, secret collectif, tout le monde sait, mais personne ne parle). Les acteurs sont excellents (David Strathairn en mari alcoolo et rustre, Judy Parfitt en vieille peau acariâtre, Jennifer Jason Leigh, Christopher Plummer en flic tenace bien décidé à découvrir la vérité). Kathy Bates, dans sa seconde adaptation de Stephen King après le très réussi Misery, est fantastique. A lire le roman avant même de voir le film, on comprend pourquoi elle a été choisie : seule elle pouvait interpréter cette femme au fort tempérament, grande gueule et grand coeur. On ne la soupçonne pas un seul instant d'être coupable d'avoir tué Vera Donovan, même en sachant qu'en revanche, elle a effectivement tué son mari bien des années plus tôt. Sa vie est à elle seule une belle circonstance atténuante.
Dolores Claiborne est un drame magnifique, un film âpre et tendu, excellemment bien adapté du roman de King, un de mes romans préférés de lui par ailleurs. Un roman difficile à lire, non pas parce qu'il contient des scènes dures (il n'y en à pas), mais parce que sa construction en une longue déposition, sans chapitres ou parties pour séparer les paragraphes, fait qu'il paraît imposant à la lecture, malgré un nombre de pages somme toutes très sobre (même pas 400 en format poche, si je me souviens bien). Un livre à lire, et un film à voir, à tout prix, surtout si on aime King. De toute façon, si vous aimez King, vous avez sûrement déjà du voir ce film !