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Spoilers…

Réalisé en 1956, adapté d’une nouvelle de Marcel Aymé, La Traversée De Paris est, avec L’Auberge Rouge, le meilleur film de Claude Autant-Lara. Interprété par Jean Gabin, Bourvil et Louis DeFunès (mais avec aussi Jacques Marin, entre autres), le film est un exemple frappant de comédie dramatique, et un des plus grands films sur la sombre période de l’Occupation et sur le marché noir. On pourrait reprocher à Claude Autant-Lara, cinéaste furieusement à droite (et même, extrème-droite) de proposer une vision très cynique et noire de cette période, mais en même temps, ce ne fut pas le joli pays de Candy, il faut bien l’admettre. De plus, Marcel Aymé, auteur de la nouvelle de base (présente dans le recueil Le Vin De Paris) était assez cynique également, et même de droite (il suffit de lire Uranus, ou de voir le film du regretté Claude Berri qui en est l’adaptation, pour le comprendre).

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Le film est, donc, noir (et en noir & blanc, même s’il existe, hélas, une version colorisée assez moche), mais ça ne l’empêche pas de contenir des moments assez drôles. Ceci dit, la drôlerie n’est pas l’atout majeur du film (Gabin n’a jamais été très à l’aise dans les comédies pures, et Bourvil savait faire autre chose que des comédies – quant à DeFunès, il n’apparaît pas suffisamment dans le film pour qu’on le considère comme un des acteurs principaux).

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Martin (Bourvil) est un chômeur qui, pour gagner un peu d’argent, fait passer de la viande (principalement du porc) d’un receleur de marché noir à un boucher. Pour cela, avec l’aide d’un ami, il traverse, de nuit, Paris, en portant des valises chargées de barbaque. Alors que son receleur, Jambier (Louis DeFunès) vient de découper une importante cargaison de porc, Martin apprend que son complice habituel a été chopé par les Allemands, et, donc, ne pourra pas l’aider.

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Martin s’apprête à dire à Jambier qu’il ne fera pas la traversée pour cette fois – trop risqué -, quand, dans le bistrot où il se trouve, il fait la connaissance de Grangil (Jean Gabin). Ce Grangil, qui se dit peintre (Martin croit qu’il est peintre en bâtiment, mais il est peintre d’art), sympathise légèrement avec Martin, les deux hommes partagent leur repas. Rongé par une engueulade qu’il vient d’avoir avec sa femme, Martin, risquant le tout pour le tout, propose à Grangil de l’aider à transporter une cargaison d’un endroit de Paris à un autre. Grangil accepte, et les deux hommes se rendent chez Jambier (qui est plus que circonspect en voyant cet inconnu de Grangil). Les deux hommes partent donc en transportant chacun deux valises de viande de porc, pour se rendre chez le boucher Marchandot. Le périple ne se fera pas sans anicroches… Scènes cultes, acteurs au sommet, réalisation simple, mais réussie, scénario parfait, ambiance cynique, rien à dire au sujet de ce film qui a comme unique défaut d’être beaucoup trop court (82 minutes environ). La scène où Martin joue, à fond, de l’accordéon, pour couvrir les cris du cochon que Jambier égorge est excellente. Bien sûr, le film est surtout célèbre pour deux autres scènes !

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Celle de la rencontre entre Jambier et Grangil, d’abord, pendant laquelle Grangil, en hurlant à tue-tête le nom et l’adresse du receleur (Jaaaaaaaaambiiiiiiiieeeer !!! 45 rue d’Poliveauuuuuuuuuuu ! J’veux 2000 fraaaaaancs, Jaaaaaaaaaaambiiiiieeeeeeer !) pour obtenir une grosse somme d’argent en contrepartie du voyage, est fantastique. Hilarante (c’est le passage drôle du film), avec un Fufu totalement ravagé de terreur devant le pétage de plombs de Gabin, qui n’en a rien à foutre que des passants entendent ses hurlements venant du soupirail (et la nuit, les sons portent plus loin) ! Autre grande scène, qui a lieu peu après : celle où Marti net Grangil, pour éviter une patrouille, se rendent dans un bistrot minable tenu par un vieux couple de gens aigris et insupportables désirant les voir foutre le camp au plus vite. La fameuse scène du Salauds de pauvres !, assez amère, même violente, en tout cas, très marquante et dure (vraiment, Gabin assaisonne pas mal ce couple de veules, il y va fort, mais on est de tout cœur avec lui). La seconde meilleure scène du film.

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Allez, pour le plaisir, la réplique de Gabin dans cette scène : Non mais regarde-moi le mignon là, avec sa face d’alcoolique et sa viande grise… Avec du mou partout ; du mou, du mou, l’a que du mou ! Mais tu vas pas changer de gueule un jour toi, non ? Et l’autre là, la rombière, la gueule en gélatine et saindoux, trois mentons, les nichons qui dévalent sur la brioche… Cinquante ans chacun, cent ans pour le lot, cent ans de connerie ! Mais qu’est ce que vous êtes venus foutre sur Terre, nom de Dieu ? Vous n’avez pas honte d’exister ? Tout le film est exceptionnel ; en un mot comme en mille, La Traversée De Paris est un monument !