SPOILERS !
Réalisé en 1971, Le Cri Du Cormoran Le Soir Au-Dessus Des Jonques est le second meilleur film réalisé par Michel Audiard après le cultissime Faut Pas Prendre Les Enfants Du Bon Dieu Pour Des Canards Sauvages ! de 1968. Comme vous pouvez le constater, chez Audiard, on ne prend pas les titres de films pour de la gnognotte ! Interprété par Michel Serrault, Paul Meurisse (dans un rôle à l’opposé totale de ce qu’il avait l’habitude de jouer), Bernard Blier, Jean Carmet, Marion Game, Yves Robert, Romain Bouteille, Carlos, Gérard Depardieu, Dominique Zardi et Michel Modo (à partir de Marion Game, dans la liste ci-contre, ce sont des seconds rôles assez courts), le film est délirant, comme son titre le prévoit.
Alfred Mullanet (Michel Serrault) est un homme assez banal. Chômeur, il passe ses journées à traîner sur les champs de courses, tandis que sa femme travaille pour deux. Un jour, en revenant du champ de courses, Alfred est enlevé, alors qu’il marchait le long de la route, par des truands assez coriaces aux ordres de Monsieur K (Bernard Blier).
Monsieur K propose à Alfred de faire quelque chose pour eux. Alfred accepte, il n’a pas le choix. Et on lui annonce qu’il devra faire le passeur pour de la marchandise illicite en partance pour la Turquie. On doit lui faire enfiler un veston doublé, dans lequel la marchandise se trouvera. Problème (pour Alfred) : on doit le faire voyager dans un cercueil, comme un cadavre. Et qui peut mieux faire le rôle d’un cadavre qu’un vrai cadavre ? Alfred, refusant de mourir pour servir les intérêts de Monsieur K, est contraint de monter dans le cercueil, vivant. Au cours du trajet, la voiture est détruite par des hommes de main d’un autre truand, Kruger (Paul Meurisse), qui récupère Alfred. Kruger convoite la précieuse marchandise (des diamants), et veut la récupérer. Alfred, alors, est plongé au plein centre d’une affaire totalement délirante incluant flics ripoux et bourrés, femmes fatales, enfants futés et vicieux, et truands…Parlez d’un homme au mauvais endroit au mauvais moment !
Riche en situations totalement délirantes et parfois même surréalistes (c’est tellement délirant qu’on se demande jusqu’où le film va aller, et on est de plus en plus surpris pendant les 80 minutes qu’il dure), Le Cri Du Cormoran Le Soir Au-Dessus Des Jonques est un chef d’œuvre de comique absurde. Echec lors de sa sortie à cause de son humour trop décalé (le co-scénariste, Jean-Marie Poiré, trouve que le film est trop barré pour l’époque), ce film est à redécouvrir, ne serait-ce que pour le plaisir de voir Paul Meurisse (acteur très sérieux, mais à la filmographie occultée par son rôle du ‘Monocle’ dans la série de comédies d’espionnage des années 50-60) en tenue de truand, avec chapeau de cowboy et lunettes noires (look inspiré par celui du cinéaste Jean-Pierre Melville), qui semble en total décalage avec son image habituelle.
La scène finale, où l’on voit Blier et Meurisse échanger des vues sur l’Afrique et imiter chacun à son tour le cri du cormoran, est un grand moment : Meurisse le fait mal, et Blier s’empresse de reprendre le cri, en plus aigu : creuuaaaaa, creuuuaaaaa, creuuuaaaaa ! Michel Serrault est également excellent en pauvre type à qui on en fait voir de toutes les couleurs. Gentiment bordélique, le film est inspiré d’un roman policier de Evan Hunter, alias, plus tard, Ed McBain (dont plusieurs films se sont inspirés de ses romans : Les Oiseaux, Entre Le Ciel Et L’Enfer…). C’est une comédie vaguement policière, que certains trouveront trop bordélique et délirante, mais qui a le mérite de ne pas avoir de limites. C’est totalement incontrôlable, et parfaitement jubilatoire !