Spoilers...
Pour ce nouvel article, j'ai eu envie de réaborder un film qui l'avait été il y à longtemps, peut-être pas 10 ans (c'est, grosso merdo, l'âge du blog sur Canalblog), mais au moins il y à 7 ou 8 ans. Un film d'horreur, comme vous pouvez le constater en matant son affiche. Et un du genre gore, est-il besoin de le préciser. Je précise d'ailleurs qu'une ou deux images sur l'article risqueront de choquer les plus sensibles, mais qu'est-ce qui m'arrive aujourd'hui, c'esst sans doute l'arrivée de Noël, je deviens sentimental et prévenant. Frayeurs, sorti en 1980, est un film de Lucio Fulci, son je-ne-sais-combientième de film car le bonhomme (mot en 1996 à l'âge de 68 ans) en a accumulé, depuis son premier en 1959 juqu'à son dernier en 1991. Il a touché à tous les genres (polar, western, comédie, aventures, signant même une adaptation de Croc-Blanc en 1973) mais a aussi et surtout fait des films fantastique et d'horrreur, souvent gore, surtout à partir de L'Enfer Des Zombies en 1979 (sorte de suite/préquelle non-officielle du Zombie de Romero, et dont le titre original italien est un Zombi 2 sans aucune subtilité). Frayeurs, dont le titre original est, comme souvent avec les films italiens, bien long (La Paura Nella Città Dei Morti Viventi) et a été raccourci, souvent, en un simple La Paura, est considéré comme le premier volet d'une trilogie, les deux autres sont L'Au-Delà (1981) et La Maison Près Du Cimetière (1981 t'aussi). Trois films indépendants dans leurs intrigues, mais avec la même actrice principale (dans trois rôles distincts), Catriona MacColl, une actrice britannique ayant souvent joué en France (notamment dans... Plus Belle La Vie ! Si ! On peut jouer aussi bien dans un film gore italien de Fulci que dans ce...truc diffusé sur France 3 !).
Les autres acteurs principaux du film sont Christopher George, Carlo De Mejo, Antonella Interlenghi, Michele Soavi (son prénom ne le dit pas forcément, mais c'est un homme), Venantino Venantini (qui vient de nous quitter, il y à quelques semaines), Giovanni Lombardo Radice, Janet Agren et Fabrizio Jovine. Fulci joue un petit rôle de médecin. Aucun des acteurs ne brille par son jeu exemplaire, je pense notamment à Carlo De Mejo qui, durant tout le film, nous promène en laisse sa bonne trogne barbue de Corbier ahuri, voir la photo ci-dessus. Christopher George aussi n'est pas terrible, c'est le héros du film, et on peut dire qu'il n'en a pas vraiment l'allure et la carrure. Mais j'ai envie de dire qu'on s'en contrefout le genou gauche (ou le droit, je ne suis pas sectaire) en chantant du Sardou en espagnol. Frayeurs est un film qui ne s'embarrasse de strictement rien. Ca faisait longtemps que je n'avais pas revu le film, et avoir visionné, récemment, une vidéo sur le film, sur YouTube (sur la géniale chaîne du Fossoyeur de Films, un mec qui fait des vidéos dans lesquelles il décortique des films de genre et/ou parle de nouveautés), vidéo que j'encourage tout le monde à voir car comme pour l'ensemble de ses vidéos, c'est aussi génialement bien foutu que terriblement drôle, après avoir vu cette vidéo donc, qui m'a donné envie de revoir le film, je me suis rendu compte à quel point Frayeurs est abstrait. Le Fossoyeur insiste d'ailleurs bien sur ce détail qui n'en est pas un. A ce niveau, on ne peut pas vraiment parler d'abstraction, c'est carrément autre chose. Le film possède un scénario si mince qu'on voit le scénario du film suivant de Fulci à travers. La direction d'acteurs est, comment dire, loin du niveau d'un Kubrick. Le cadrage et la mise au point, le Fossoyeur insiste aussi là-dessus (un truc qui est bien, avec ses vidéos, c'est qu'il aborde un film aussi bien selon l'angle de l'histoire et du contexte que de sa réalisation, il n'oublie pas le technique, qui compte beaucoup pour lui), est parfois moyenne.
On peut ne pas le croire, mais c'est bel et bien le héros du film
Autant parler du scénario, faire un rapide (oui, ça sera rapide !) résumé du film. Le début du film se passe dans une petite ville américaine, fictive, Dunwich (les fans de Lovecraft savent que c'est le nom d'un ville dans laquelle, dans une de ses terribles histoires, se déroule une Abomination). Un prêtre (Fabrizio Jovine) se promène dans le petit cimetière, empli de brume matinale. Il s'approche d'un arbre, y accroche une corde, se pend. Parallèlement, à New York, une jeune médium, Mary Woodhouse (Catriona MacColl), au cours d'une séance de spiritisme, reçoit la vision de ce suicide du prêtre, et voit des morts sortir de terre. Une des portes de l'Enfer se serait ouverte suite au blapshème qu'est le suicide du prêtre de Dunwich. Au cours de cette séance de spiritisme, elle s'écroule, comme morte. Elle est d'ailleurs enterrée. Alors que les fossoyeurs (pas de films, ceux-là) l'ont mise en terre et commencent à recouvrir le cercueil de terre. Un journaliste, Peter Bell (Christopher George), qui essayait d'entrer dans l'appartement de la séance de spiritisme pour avoir des infos mais fut repoussé, se rend à l'enterrement. Alors qu'il s'en va en laissant les fossoyeurs faire leur boulot (de vrais fonctionnaires, apparemment, à les voir bosser avec négligence), il croit entendre des cris venir du cercueil, puis les cris se font plus forts. Il ouvre le cercueil, tant bien que mal, et Mary en sort, bien vivante, elle n'était apparemment que dans le coma (marrant, comme il est dit dans la vidéo, que compte tenu des circonstances de la 'mort', la police n'ait pas demandé une autopsie). Elle explique à Bell sa vision et ses craintes, ils filent vers Dunwich, où d'étranges et terribles faits se déroulent, des morts étranges et bien sanglantes...
A un certain moment de l'intrigue, il est dit que Dunwich fut, autrefois, le lieu de l'exécution de prétendues sorcières. Info complètement inutile. Il est aussi fait allusion, au début du film, d'un livre, le Livre d'Enoch. Ce qui, par la suite, ne revient à aucun moment dans le film. Et à aucun moment, on ne sait pourquoi le curé se suicide par pendaison au début du film. Mais ce curé revient hanter les habitants de la ville, il surgit comme ça, tue par la force de la pensée, sème la panique et parallèlement, les morts sortent de terre et s'en prennent aux vivants. Mais certains vivants aussi s'en prennent au vivants : dans une séquence aussi gore et remarquable (le 'clou' du film) que fondamentalement inutile à l'intrigue, un homme, Mr Ross (joué par Venantino Venantini), tue un pauvre gars un peu paumé, Bobby (joué par Giovanni Lombardo Radice) en lui trouant la tempe avec une perceuse industrielle (pas une perceuse à main, mais du genre 'gros matos vissé au sol', voyez) dans son garage. Pourquoi ? Oh, disons que le Bobby est un mec un peu douteux, camé, paumé, on le soupçonne de quelques trucs, et il tourne autour de la fille de Ross, ce qui explique qu'il se soit emporté. Emporté ? Bon, OK, le fait qu'une des portes de l'Enfer se soit ouverte à Dunwich y est aussi pour quelque chose. Enfin, je crois ? Aaah, ce film... Expliquez-moi donc pourquoi il se termine par la vision d'un gamin courant, heureux, vers l'héroïne qui, elle, se met à hurler à la mort, tandis que l'image du gamin en train de courir se brise, comme du verre, entraînant le générique de fin ?
La dernière image du film, incompréhensible
Frayeurs joue à fond la carte de la terreur pure, s'occupe de la forme sans se préoccuper du fond (c'est pour ça que j'ai choisi un tel titre pour mon article). L'immense majorité du film, de son prologue au cimetière à son final dans le même cimetière, en passant par les séquences de morts immondes (aah, cette vision d'yeux sanglants...cette régurgitation d'intestins...) et cette dégueulasse (et, au premier visionnage, interminable tant la répulsion est présente pour le spectateur) scène des asticots, qui surgissent dans la maison, envahissent tout, se collent aux visages, on imagine que certains ont été avalés, etc... Séquence qui, encore une fois, ne sert à rien (à ce niveau d'abstraction, on peut dire que rien ne sert à rien dans le film), mais à le mérite, comme celle de la perceuse ou le prologue, d'être absolument inoubliable. Frayeurs pourrait être une pure merde. Un film qui ne se préoccupe absolument pas de son scénario (aucune explication donnée pour le suicide inaugural du prêtre, un contexte historique rapidement abordé mais qui n'est absolument pas exploité, une accumulation de scènes choc sans grand lien, des personnages aussi plats que des soles écrasées par un convoi de 38-tonnes) ne devrait pas être aussi réussi, malgré tout. Car réussi, il l'est. Bien que totalement abscons, ce film, doté d'une bande-son hypnotique de Fabio Frizzi et d'une photographie sépulcrale, est une claque formelle, un chef d'oeuvre d'épouvante et de gore, qui file les jetons et révulse comme jamais ou presque. OK, les acteurs ne sont pas tous terribles (et la VF est abominable ; regardez le film en VOST, par pitié), et OK, plus qu'OK, il n'y à pas vraiment d'histoire digne de ce nom.
Mais ce film est littéralement hypnotique, malgré ces défauts. Le film d'horreur suivant de Fulci, L'Au-Delà, sera à peu près du même genre. Je terminerai en citant encore une fois la petite (elle dure plus d'un quart d'heure tout de même !) vidéo du Fossoyeur sur ce film, qui propose comme explication, pour le côté non-sensique et abscons du film, le fait qu'il traite de la peur et semble être un cauchemar, tout du long de ses 90 minutes. Or, un cauchemar est rarement structuré et logique (et d'une manière générale, qu'il soit bon ou mauvais, un rêve), n'est-ce pas ? Ce film, c'est en gros, un gigantesque cauchemar éveillé, celui des personnages (qui le vivent vraiment) et celui des spectateurs (qui en sortent brutalement, comme le film se termine brutalement). Une explication qui n'est peut-être pas la seule, mais qui est intéressante. Tout comme le film, qui est, vraiment, un classique du genre !