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SPOILERS !

 

En 1974, Paul Verhoeven réalise une adaptation du roman autobiographique de Neel Doff, Keetje Tippel. Ce film, du meme nom (Katie Tippel en version internationale) est une des plus belles productions du cinéma néerlandais. Interprété avec brio par Monique Van De Ven (Turkish Delight) et Rutger Hauer, le film raconte les aventures d'une jeune fille du peuple, qui va passer de sa misérable condition d'ouvrière/employée abusée à celle de fille aisée, en passant par la case prostitution. Sur une musique sublime de Rogier Van Otterloo, et une photographie remarquable du chef opérateur attitré de Verhoeven, Jan De Bont (qui réalisera, 20 ans plus tard, Speed !!), Katie Tippel est un film d'époque (l'action se passe à partir de 1881) remarquable.

 

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1881. La famille Tippel (Katie, ses parents, et ses frères et soeurs) débarquent d'un bateau et arrivent à Amsterdam, dans le but de pouvoir gagner leur vie. Ils s'installent dans un taudis inondable et glacial (qui sera d'ailleurs très vite inondé). Très vite, ils trouvent chacun un travail, assez ingrat et mal payé. Katie travaille dans une laverie industrielle, et est virée dès le premier jour, suite à une brouille avec les autres employées (qui adorent harceler les nouveaux) et un refus de sa part de coucher avec le patron pour arranger la situation. Son père, lui, travaille, mais ne conservera pas non plus son emploi très longtemps...Quant à sa soeur, Mina, elle semble avoir trouvé un emploi qui la satisfait, et qui paie bien. A voir la manière dont elle s'habille et se comporte, et à la manière dont elle parle de son patron (une femme, qu'elle appelle 'Madame'), on devine aisément quel est son métier...

 

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Katie trouve vite un autre emploi, vendeuse dans un magasin de confection de chapeaux. Lors d'une visite dans un 'pensionnat' (en fait une maison close, le mot 'pensionnat' étant utilisé pour ne pas heurter les bonnes consciences) pour y vendre des chapeaux aux 'pensionnaires', elle croise sa soeur Mina, nue, dans une chambre avec un vieux. Le vieillard, voyant Katie, lui demande de venir. Sur insistance de Mina (qui risquerait d'etre virée si le vieillard se plaint que ses requetes n'ont pas été prises en compte), Katie la suit dans la chambre, et se laisse tripoter, mais ça ne va pas plus loin...

 

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Katie, de retour dans l'atelier, subit les avances de son employeur, qui la viole (et la dépucèle, en meme temps). Peu de temps après, suite à un malaise, elle est envoyée à l'hopital, où on lui diagnostique une tuberculose, heureusement à un stade peu avancé, ce qui fait que Katie guérit vite (elle passe apparemment dans le lit du médecin lubrique, pour payer ses médicaments, ou du moins, on s'en doute fortement). Katie, apprenant que sa soeur Mina a été virée du bordel, commence à faire le trottoir. Elle aguiche, un soir, un artiste-peintre, qui lui propose de monter dans son atelier. Il ne la baise pas, mais lui propose de devenir modèle, ce qu'elle accepte avec joie. Elle rencontrera assez rapidement les amis du peintre, deux jeunes hommes, André et Hugo (Rutger Hauer). Elle va vite s'enticher de Hugo, plutot bourgeois (comme André, d'ailleurs), et part vivre avec lui.

 

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Hugo travaille dans une banque, et propose à Katie de travailler pour lui. Son role consiste à espionner les commerces, et de noter ceux qui, selon elle, ne semblent pas avoir de succès. Hélas, après une première journée, elle abandonne cette mission qui ne lui convient pas. Parellèlement, elle apprend que Hugo aime une autre femme, la fille de son patron. Katie le quitte, et part rejoindre, dans la rue, une émeute d'ouvriers et de révolutionnaires (elle y retrouvent André et le peintre), qui dégènère en massacre, les policiers tirant à tout-va. André, légèrement blessé, est ramené chez lui (une grande demeure) par Katie, qui finira ses jours avec lui, dans le luxe et l'amour...

 

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Voici donc un très beau film, un film assez inhabituel par rapport aux autres réalisations de Verhoeven (entre un Turkish Delight trash et un Business Is Business érotique et trivial, sans oublier les délires du Quatrième Homme, peu de place pour l'amour et les doux sentiments chez lui). Il contient deux ou trois scènes fortes, et est dans l'ensemble, une vraie splendeur. Certains plans font penser à du Vermeer, du Rembrandt, et meme (comme Verhoeven le dit lui-meme dans le commentaire audio du DVD) du Dali. Monique Van De Ven est excellente dans son meilleur role, Rutger Hauer est un peu en retrait (son role n'est pas si important que ça, en fin de compte, il est le second role par défaut, car d'autres acteurs ont des roles assi importants que lui dans le film), mais néanmoins très très bon lui aussi. La réalisation est impeccable, décors et costumes aussi. Katie Tippel, s'il n'y avait pas Soldier Of Orange, serait le chef d'oeuvre de Verhoeven.

 

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C'est aussi et surtout un film scandaleusement méconnu, oublié, passé plus ou moins à la trappe à coté des autres films de Verhoeven. Son coté très décalé par rapport au style verhoevenien usuel y est sans doute pour beaucoup. Il faut donc (re)découvrir ce film magnifique, un vrai moment de cinéma, une sorte de relecture totalement authentique (c'est une histoire vraie, la vraie héroine s'appellait Neel Doff, auteur du livre, et elle est morte en 1942 - son esprit indomptable vit à jamais dans ce film, comme dit dans le générique de fin) des romans de Dickens, au féminin. Un pur monument humaniste, parfois cruel (la mère qui envoie sa fille sur le trottoir), mais tellement fort !