SPOILERS...
Réalisé en 1932, Freaks, La Monstrueuse Parade est le chef d'oeuvre absolu de Todd Browning. Relativement court (60 minutes à tout péter - le film durait 90 minutes à l'origine, mais fut massacré par la censure), ce film est aussi totalement insoutenable pour un spectateur cartésien. En effet, le film se passe dans un cirque, au beau milieu d'une troupe de phénomènes de foire (des freaks). Là où le bat blesse (c'est surtout ce que les spectateurs de l'époque pensaient, certains s'enfuyaient en hurlant de la salle ou s'évanouissaient), c'est que Browning, pour ce film, à fait appel à de vrais phénomènes de foire, tels que ces siamois, ce nain, cette femme à barbe, cet Hercule de fete foraine, cet homme-oiseau.
Le film, donc, se passe dans un cirque. Une trapéziste, Cléopatre, arrive, et fait la connaissance de ses nouveaux collègues, des phénomènes de foire. Cléopatre fait surtout la connaissance de Hans, lequel est fiancé à Frieda, écuyère (Hans et Frieda sont nains). Cléopatre apprend que Hans a hérité, et qu'il est donc devenu riche. Avec l'aide d'Hercule (l'homme fort de la troupe, et accessoirement le seul vrai amant de Cléopatre - laquelle est 'normale', par rapport aux freaks), elle va tout faire pour voler son argent à Hans. Hans, amoureux d'elle (il a délaissé Frieda), demande la main de Cléopatre en mariage. Elle accepte, uniquement, bien entendu, pour pouvoir hériter de la fortune de Hans une fois qu'il sera mort. Cette Cléopatre est une belle perverse, une mante religieuse.
Hans est empoisonné, lentement (une des versions du film montre une scène finale représentant les retrouvailles Hans/Frieda, ce qui rend le film encore plus ambigu dans sa version la plus connue), et trainé en dérision par Cléopatre et Hercule. Cléopatre veut à tout prix hériter de sa fortune. Malheureusement pour elle, les autres freaks se sont rendu compte de la manigance, parviennent à sauver Hans de la mort, et se vengeront avec une extrème sauvagerie, dans une scène littéralement terrifiante. A la fin du film, on voit Cléopatre, vivante, mais devenue un de ces phénomènes de foire après la vengeance des amis de Hans : une femme-oiseau. Quant à Hercule...on ne sait pas ce qu'il lui arrive, et on n'a pas vraiment envie de le savoir (selon des rumeurs, dans la première version du film, il se faisait castrer).
Relativement terrifiant et meme malsain en dépit de son ancienneté (il date de 1932, quand meme), Freaks, La Monstrueuse Parade est un chef d'oeuvre absolu du cinéma fantastique, et meme du cinéma en lui-meme. La scène de la vengeance, assez difficile à décrire tant elle fut tronquée par la censure, reste néanmoins dans toutes les mémoires, de même que la scène du repas de noces (le cri One of us ! One of us !). La scène finale, montrant ce qu'il reste de Cléopatre après la vengeance des freaks, est inoubliable aussi. Ce film servira en quelque sorte d'idée de départ à David Lynch pour son film Elephant Man, meme si le film de Lynch s'inspire de la vie d'un authentique freak. Mais les deux films font passer le meme message : le monstre n'est pas celui que l'on croit. Dans ces deux films, les monstres sont les personnes dites 'normales'.
Le fait que Todd Browning ait eu recours à d'authentiques phénomènes de foire pour son film le rend encore plus fort et prenant...et dérangeant. Stephen King, dans son remarquable essai Anatomie De L'Horreur, revient un peu sur ce film, et explique que si Freaks, La Monstrueuse Parade est toujours si fort et si insoutenable, c'est parce que c'est le seul film dans lequel il n'y à pas de 'fermeture éclair sur le dos du monstre', en gros, le seul film sans effets spéciaux. Les gens sont capables de voir un film d'horreur, pourvu qu'ils puissent se dire qu'au fond, les monstres n'existent pas. Mais dans ce film, ils regardent la réalité, maquillée en fiction (la scène de vengeance, et le scénario, sont fictifs, bien sur ! De meme, le seul trucage est celui de la femme-poule, c'est à dire Cléopatre une fois la vengeance accomplie). Bref, Freaks, La Monstrueuse Parade est donc un des films d'horreur les plus efficaces et importants de l'histoire, en plus d'etre une belle réflexion sur le droit à la différence. Un film essentiel, qui fut interdit aux moins de 18 ans à l'époque, interdit en Angleterre (le film est américain) pendant de longues années...Il est assez difficile à digérer, mais reste un film indispensable pour tout cinéphile qui se respecte.
