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1975. Sortie de ce qui restera à jamais LE plus beau film de l'histoire du cinéma (visuellement parlant) : Barry Lyndon. Adapté du roman de William Makepeace Thackeray, un illustre inconnu ayant vécu à l'époque de l'action de son livre (il me semble, en tout cas), et dont le livre n'est pas suffisamment connu pour que l'on sache que le film de Kubrick en est une adaptation. Kubrick n'a jamais vraiment choisi des best-sellers pour servir de base à ses films, si on excepte Shining de Stephen King (et c'est amusant de voir que la seul adaptation ratée qu'il ait faite est celle du best-seller de King). Barry Lyndon dure trois heures, et est divisé en deux parties, indiquées par un panneau noir, Part One et Part Two, plus un épilogue et une coda. Tous les films de Kubrick fonctionnent sur le système du scindement en parties, quelquefois c'est indiqué (ce film), quelquefois, non (Eyes Wide Shut). Le plus souvent, non.

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Le film est interprété par deux acteurs renversants de naturels, quasiment inconnus à l'époque, et qui n'ont jamais vraiment trouvé d'autres rôles à la hauteur de celui-ci après Barry Lyndon. En effet, si Ryan O'Neal (le rôle-titre, Redmond Barry) s'était fait connaître en 1970 par le mélo suintant de bons sentiments Love Story (qui fait hurler de rire de nos jours, tellement les ficelles sont grosses !), il n'aura, ensuite, que peu de bons rôles : Un Pont Trop Loin, Oliver's Story, pas très reluisant. Et quant à Marisa Berenson (Lady Lyndon), resplendissante, elle jouera, dans les années 80, dans L'Arbalète, polar minable français avec Daniel Auteuil...On peut pleurer. Ben pourquoi vous pleurez pas ?

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L'histoire du film est très simple (et si vous n'avez jamais vu le film, abstenez-vous de lire ce qui suit, sauf si vous aimez tout savoir à l'avance - en même temps, je vais broder sur le thème général du film) : la vie d'un arriviste. Où comment un jeune homme irlandais, bien sous tous rapports, est contraint de fuir son village natal pour une sombre histoire d'amour qui sera la cause d'un duel à mort d'où il survivra, fait des rencontres plus ou moins fortuites (bandits, jeune femme attirante...), devient soldat dans l'armée anglaise (alors en guerre contre la Prusse et contre le pays des fromages qui puent - non, non, pas la Hollande ; la France, fache de cong !), puis espion à la solde de la...Prusse, où le capitaine prussien Potzdörf (Hardy Kruger, père de sa Diane de fille) le somme de surveiller les faits et gestes d'un Chevalier (joué par Patrick Magee). Il en profitera pour s'initier aux fastes de l'aristocratie, rencontre des nobles, et un certain Lord Lyndon, mourant, dont la femme, Lady Lyndon, ne le laisse pas indifférent. Il attend patiemment (il n'attendra pas longtemps !) que le Lord casse sa pipe, puis épouse Lady Lyndon, et devient, donc, Redmond Barry Lyndon.

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Et là commence le début de la seconde partie : le mariage, la vie à la cour, la vie de chateau...et on se rend compte que du gentil petit irlandais timide et sans expérience de la première partie, il ne reste rien, mais plutôt un arriviste orgueilleux, vaniteux et, qui plus est, infidèle. Une série de drames (et un beau-fils qui ne lui pardonnera jamais d'avoir si mal agi envers sa mère) s'ensuit, et le film, pour Barry Lyndon, plonge dans une descente aux Enfers personnelle, un gouffre pour le jeune aristo. Et une conclusion dramatique (pour lui, bien sûr). Dans un sens, un film d'actualité, car une histoire comme ça pourrait arriver à n'importe quelle époque. C'est juste l'histoire d'un jeune homme qui, une fois arrivé en haut de l'échelle sociale, se la pète grave, excusez-moi de l'expression, pour ensuite déchanter rapidement à cause d'une scoumoune hors du commun et d'un tempérament trop peu classique.

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Visuellement, je l'ai dit, le film est parfait. Kubrick a eu l'idée de génie de tourner les scènes de nuit et d'intérieur (les scènes de parties de cartes) à la bougie, ce qui donne un ton authentique et littéralement 'd'époque' au film. Si ça avait été dans l'ordre du possible de faire un film à l'époque, ça aurait donné exactement ça. Il l'a tourné comme si il avait été catapulté à l'époque du XVIIIème siècle, comme si il n'avait eu que les moyens de l'époque. Peu de réalisateurs, ensuite, firent de même. Les décors sont somptueux, les costumes aussi. Musique renversante mêlant Haendel, Chopin, Mozart, Vivaldi et des thèmes folkloriques et traditionnels irlandais (sans parler du Liliburlero). Probablement la meilleure bande-son d'un Kubrick. Manque de pot pour messire Stanley Kubrick, le film, assez mal accueilli partout dans le monde (sauf en France, exception culturelle oblige, on est les meilleurs !), sera un bide. Kubrick se sentira obligé de faire un film plus accessible (qu'on pensait...) et plus commercial ensuite avec Shining. En effet, quoi de plus commercial qu'un film d'horreur ? Mais quand il est estampillé Kubrick, l'aspect commercial n'existe pour ainsi dire pas...

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En résumé : malgré une durée fleuve (son film le plus long avec Spartacus), jamais ce film n'est ennuyeux. Les deux parties sont diamétralement opposées (la première, assez vive, pleine de péripéties, et la seconde, totalement psychologique en ce qui concerne l'action), ce qui provoque une cassure nette dans le film, mais ça n'est en rien gênant. Barry Lyndon est probablement mon préféré des films de Kubrick, même si je chéris complètement Orange Mécanique pour des raisons somme toutes normales : c'est un film qu'on ne peut que chérir si on aime Kubrick. Mais Barry Lyndon, j'ai eu le bonheur de le voir en salles lors d'une ressortie (je suis né en 82, quand même, mais mes parents le virent à l'époque en salles, il y avait un entracte au milieu), et ça reste une de mes plus fortes expériences de 'grand écran' de ma vie, même si je le connaissait, déjà à l'époque, par coeur. Un des films de ma vie. Tout simplement.