SPOILERS...
Bernardo Bertolucci n'a pas fait beaucoup de bons films. Trois seulement sont à sauver de sa filmographie, en fin de compte : Le Dernier Tango A Paris, 1900 et Le Dernier Empereur. Seulement, Le Dernier Empereur est assez lent, et souffre de longueurs, en dépit de sa magnificence visuelle et de l'interprétation de Peter O'Toole. Quant au Dernier Tango A Paris, laissez-moi vous dire que le film est quand meme assez vieillot, il a fait scandale en 1972, mais maintenant, seul son ambiance mortifère a survécu et reste un atout. En plus, Brando, comme souvent, en fait des tonnes.
Reste 1900 (Novecento). Et là, je tiens à le dire, c'est un chef d'oeuvre total. S'il faut sauver un film de la filmographie de Bertolucci, c'est sans conteste celui-là. 5 heures de pure beauté, de grand spectacle, drole, émouvant, violent, prenant. Le film retrace 45 années de l'histoire de l'Italie, de 1900 à 1945. De la naissance des deux personnages principaux du film jusqu'à la fin de la guerre. Résumer les 5 heures (en deux parties séparées, une de 2h35 et une de 2h25) serait impossible, et surtout idiot de ma part. Je me lance néanmoins, en essayant de broder au mieux :
**PREMIER ACTE**
Le début du film se passe en 1945, à la fin de la guerre. On voit, entre autres, un couple de fascistes (on verra de qui il s'agit plus tard) se faire tabasser par des paysans. On voit aussi un enfant, d'une douzaine d'années, faire prisonnir, à lui tout seul, un homme d'environ 45 ans (on reconnait De Niro). L'homme, à peine apeuré, commence à raconter son histoire...
Alfredo Berlinghieri et Olmo Dalco naissent le meme jour, en 1900. Le premier est le petit-fils du propriétaire d'une exploitation agricole qui porte son nom (joué par Burt Lancaster), et vient donc d'un milieu plutot aisé ; le second est le petit-fils du contremaitre, un paysan qualifié de batard, car sa mère l'a eu avec un homme de passage. Les deux enfants vont sympathiser. A la mort du padrone, son fils (Romolo Valli), qui est aussi le père d'Alfredo, prend sa place. Diverses tensions vont mener à une grève des ouvriers, et le début, lent, mais sur, d'une révolte syndicale. Olmo est envoyé, à l'adolescence, à l'armée. Pas Alfredo, 'sauvé' de cette obligation par son statut bourgeois (qu'il supporte mal, enviant la liberté de son ami).
Plusieurs années passent, Olmo (maintenant joué par Gérard Depardieu, excellent) revient à la ferme. Il retrouve Alfredo (Robert De Niro, impérial), et apparemment, rien n'a anéanti leur amitié. Un nouveau contremaitre, Attila (Donald Sutherland, terrifiant par moments), travaille à la ferme. Sévère, hargneux, méchant, il fait plus ou moins règner l'ordre, mais n'est aimé de personne (Alfredo lui-meme ne le supporte pas). Le pays est maintenant aux mains des fascistes. Le père d'Alfredo, ainsi que bon nombre de propriétaires terriens de la région, commencent à faire confiance aux fascistes et à mettre leurs billes dans ce parti d'extrème-droite. Attila va vite s'engager dans les Chemises Noires, milice fasciste. De son coté, Olmo commence à organiser la récolte paysanne et communiste. Alfredo, de son coté, ne se mouille ni du coté d'Olmo, ni du coté d'Attila. La situation le dépasse, et il part quelques temps en des lieux plus calmes, en ville. Il va y rencontrer une jeune bourgeoise française, Ada (Dominique Sanda), dont il va s'éprendre. Pendant ce temps, les fascistes incendient la Maison du Peuple, causant la mort de plusieurs communistes, et prennent de plus en plus de pouvoir dans la région...
**SECOND ACTE**
Le second acte commence par deux évènements : la mort du père d'Alfredo (qui fait de lui le nouveau padrone de la ferme, et donc, le patron d'Olmo, mais aussi d'Attila), et le mariage d'Alfredo et d'Ada. Attila se trouve une fiancée, Regina, l'ancienne fiancée d'Alfredo (quand ils étaient plus jeunes). Regina, qui fait entièrement confiance à son mari, devient fasciste. Au cours du mariage, alors que les invités batifolent dans les prés, Attila et Regina font l'amour. Ils sont surpris par une jeune garçon, Patrizio, qu'Attila va violer (du moins, on le suppose largement) avant de le tuer, accidentellement, en lui fracassant la tete contre les murs (scène atroce). Attila parvient à convaincre les autres (lorsqu'ils découvrent le corps quelques minutes plus tard) que le meurtrier est communiste. Olmo est un temps accusé, tabassé, mais un autre homme s'accuse à sa place est en emprisonné. Le faux meurtrier sait, par contre, qui a réellement tué le gosse.
Ada commence à sombrer dans l'alcool alors que le pays est aux mains des fascistes. Un soir, Attila et Regina prénètrent dans une maison hypothèquée à Alfredo par la propriétaire, qui avait besoin d'argent. Attila tue la propriétaire (Mme Pioppi) en l'empalant sur la grille de sa maison (on ne voit pas la scène), et, là encore, fait croire à un meurtre sexuel perpétré par un communiste. Ada, n'en pouvant plus de tout ceci, quitte Alfredo pour ne plus revenir. Alfredo, de son coté, va virer Attila (responsable d'une tuerie parmi les paysans, alors que ceux-ci s'étaient récoltés contre lui). Olmo, à la suite de cette récolte, prend la route, et ne reviendra qu'à la libération.
1945, libération, fin de la guerre, épuration. Les paysans retrouvent un à un les fascistes tentant de s'enfuir, et les tuent. Ils parviennent à mettre la main sur Attila et Regina, et les font prisonniers. Ils tondent Regina, et tuent Attila, après les avoir longuement maltraités. Olmo est revenu, et il prend vite la tete du mouvement d'épuration. On retourne à la scène du début du film (le gosse tenant Alfredo - De Niro - en garde avec son fusil). L'enfant, Leonida, amène Alfredo aux paysans, qui organisent un procès public pour le juger. Olmo tient ce procès, et il parvient à convaincre les autres de le laisser en vie. Par contre, ils le défont de tous ses droits de padrone. Le padrone est mort, mais Alfredo Berlinghieri, lui, est vivant. Et à l'Italie de se reconstruire, sous le signe du communisme...
Visuellement, le film de Bertolucci est une merveille. Incontestablement son meilleur film, il est aussi le film le plus réaliste et réussi sur cette page de l'histoire de l'Italie. Très violent par moments, assez cru et trivial dans d'autres, contenant quelques séquences assez droles (début de la seconde partie, quand Alfredo se shoote à la coke), 1900 est aussi le film qui offre à Gérard Depardieu et à Robert De Niro (et à Donald Sutherland, aussi) leur meilleurs roles. OK, De Niro a joué dans bon nombre de purs chef d'oeuvres (Il Etait Une Fois En Amérique, Raging Bull), et Depardieu a fait Le Dernier Métro. Mais 1900 leur permet vraiment de composer un duo d'acteurs absolument sensationnel, une affiche complètement majestueuse. Chaque scène où ils apparaissent ensemble est excellente.
Au final, on a entre les mains un joyau pur, un film dur et prenant, certes très long (il est déconseillé de tout regarder d'une traite, car 5 heures, c'est vraiment beaucoup), mais totalement maitrisé et réussi. Une fresque somptueuse, un choc visuel, auquel on pourrait juste reprocher un petit détail (surtout dans la dernière demi-heure du film - donc, de la seconde partie) : etre trop 'partisan', trop axé sur le communisme. Bertolucci est peut-etre un réalisateur de gauche. En fait, il ne peut pas ne pas l'être, ce film en est l'évidence même ! De plus, l'Italie, dans les années 70 (j'ai oublié de le dire, le film date de 1976) était plutot marquée par la gauche. Mais de là à faire une apologie du socialisme/communisme, il y à un pas que Bertolucci, avec la fin de ce film, franchit presque totalement. En dépit de ce petit détail qui ne parvient pas à gacher le film, 1900 est un film somptueux. Un des plus grands films qu'il m'ait été donné de voir. Et, vraiment, Robert De Niro et Gérard Depardieu y sont époustouflants.