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Et voici enfin le moment d'aborder le film idéal pour vos longues soirées, les jours où il n'y à rien de bien à la télévision. Non, je déconne, ce film est sans doute un des plus terrifiants jamais réalisés, et je vous déconseille fortement de le regarder la nuit.

En 1973, William Friedkin, tout auréolé du succès de son French Connection, réalise et sort l'adaptation du best-seller de William Peter Blatty, "L'Exorciste", paru deux ans auparavant. D'emblée, le film est un succès total, tant critique que commercial. Mais il terrifie également les spectateurs, certains s'évanouissent dans la salle, d'autres pleurent, vomissent, ont des suées, bref, la mission de foutre les jetons est amplement réussie. A sa sortie, le film était (très justement) interdit aux moins de 16 ans.

 

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Il faut le dire : quiconque n'a jamais vu ce film n'a jamais eu peur devant un film. Moi-même, qui n'avait pas vraiment sursauté devant les classiques du cinéma horrifique que sont Alien, Shining, Carrie Au Bal Du Diable ou La Nuit Des Morts-Vivants, j'ai vraiment passé un sale quart d'heure la première fois que j'ai regardé ce chef d'oeuvre. Pas de sang, mais des séquences inoubliables de par leur violence (Regan se tordant sur son lit, le visage scarifié ; la tête qui tourne sur 360° ; la longue et tétanisante séquence de l'exorcisme, plus de vingt minutes d'affilée). Et une histoire qui plonge peu à peu dans le fantastique, compte tenu que tout le monde (sa mère, les médecins) pensent que Regan n'est atteinte que de troubles psychiatriques, et non pas possédée comme ils devront l'admettre plus tard.

Le film démarre par une longue (dix minutes au bas mot) séquence, presque muette, située en Irak du nord. On y voit des fouilles archéologiques, et un vieil homme (Max Von Sydow, que l'on ne revoit ensuite que plus d'une heure vingt plus tard), un prêtre, qui les dirige plus ou moins. Peu de dialogues, tous en irakien (sur le DVD, les sous-titrages sont automatiquement en anglais ; si vous voulez savoir ce qui se dit, regardez-le en VO, vous aurez droit à deux sous-titrages, anglais et français !). Le prêtre (dont on apprend que beaucoup plus tard qu'il s'appelle Lancaster Merrin) semble enfièvré par les fouilles, il semble plus que soucieux. Vers la fin de cette séquence, il se rend sur un autre site, à la tombée du jour (sublime photographie), pour regarder une statue récemment découverte, celle d'un démon ailé, Pazuzu. Le face-à-face entre Merrin et la statue de pierre semble un avant-goût de la fin du film.

 

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Après cette séquence très réussie, mais que beaucoup jugeront incompréhensible et inutile (il en est de même dans le roman, au fait), on change de décor, pour arriver à Georgetown, dans la banlieue de Washington D.C., lieu où se passe tout le reste du film. On découvre une famille (dans laquelle manque le père) américaine assez aisée. La mère, Christine McNeill (Ellen Burstyn) est actrice, sa fille, Regan (Linda Blair, qui n'arrivera jamais à faire oublier ce rôle), environ 12 ans, espiègle et adorable. Deux domestiques (Willie et Karl), et une secrétaire/nounou, Sharon. Le calme de cette maison sera rapidement troublé par de curieux bruits dans le grenier, et surtout par le comportement de Regan, qui devient soudainement aggressive, menteuse, en proie à des hallucinations (selon sa mère) et spasmes. Qui iront en s'aggravant, perturbant largement les médecins et psychiatres ne voyant aucune lésion crânienne pouvant expliquer cela. La question d'un exorcisme sera, au final, proposée. L'ami de la mère de Regan, un réalisateur, Burke Dennings, après une visite-éclair chez elle alors qu'elle était absente, meurt violemment, défenestré. Un policier, Kinderman (Lee J. Cobb, excellent) enquête.

Parallèlement, et ce dès le début du film, on découvre le père Damien (tiens, il s'appelle comme moi !) Karras, joué par Jason Miller. Un jésuite, psychiatre, qui vient de perdre sa mère, et qui sera amené à s'occuper du cas de Regan, et de son exorcisme, exorcisme qui aura lieu sous le contrôle d'un prêtre rompu à ce genre de pratiques, Lancaster Merrin. Et là, je m'arrête dans le descriptif du résumé du film, ne voulant pas dévoiler la fin pour celles et ceux qui ne l'ont pas vu.

 

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William Friedkin a, en 2001, ressorti le film en salles en y rajoutant quelques scènes et plans supplémentaires, ce qui aurait pu totalement dénaturer le film et le rendre moins intéressant, mais il n'en est rien. Le seul point noir de cette ressortie est que l'interdiction aux moins de 16 ans a disparu, remplacée par une interdiction aux moins de 12 ans totalement idiote. Alors quoi, on rend le film plus terrifiant (car les scènes en plus servent à ça) et on le passe aux moins de 12 ans ? Vous ne croyez pas que les enfants de moins de 16 ans sont un peu trop jeunes pour voir ce film ?

Bref. Parmi les scènes rajoutées (ou plutôt, ici, il s'agit de plans rajoutés, d'effets spéciaux rajoutés), deux images subliminales sont absolument terrifiantes. La première (voir photo ci-dessous, une capture d'écran que j'ai fait moi-même) consiste à une vision fugitive (une seconde, le temps d'un éclair) du visage de Regan, scarifié, terrifiant, inhumain, sur la hotte de la cuisine. Cet effet, on le voit sans le voir, on imagine bien ce que c'est, mais on ne le retient pas totalement. Cette image permettra de bien le visualiser :

 

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L'autre effet apparait dix secondes plus tard (pour celui-là, pas d'image), au moment où Christine McNeill ouvre la porte de la chambre de sa fille (qui est déjà victime de possession à ce moment) : on distingue, en gros plan, une face de démon, celle de Pazuzu, le monstre de pierre du prologue irakien. Ce second effet, on le retient facilement, pour trois raisons : d'abord, il occupe tout l'écran. Ensuite, il vient après celui de la cuisine, donc on est plus à même de le repérer. Enfin, il est flagrant.

Autre ajout, un appel à la prière musulman, rajouté à la fin, juste avant le générique de fin. Le même appel à la prière que celui qui ouvre le film au cours du prologue irakien. Le but recherché par Friedkin, faire en sorte que le film fasse une boucle, avec un début et une fin bien distinctes. Que tout se rejoigne, en quelque sorte, à la fin.

 

L'Exorciste, avec son prêtre se faisant asperger de vomi verdâtre, son crucifix enfoncé dans le vagin d'une fillette de 12 ans (mais, heureusement, on ne voit rien), le visage de Linda Blair pendant sa possession, et avec sa musique terrifiante ("Tubular Bells" de Mike Oldfield, composé un an auparavant) n'apparaissant pourtant qu'à deux reprises dans le film (et au cours de scènes tout sauf flippantes), est un joyau du cinéma fantastique, et du cinéma tout court.